"En tant que Musée national, c'est très important qu'on ait une représentation de toute la Suisse"
La Suisse romande a notamment longtemps été sous-représentée dans les collections du Musée nationale suisse, qui regroupe le Landesmuseum de Zurich, le Château de Prangins, près de Nyon, le Forum de l'histoire suisse à Schwyz et le Centre des collections d’Affoltern am Albis.
"Le Musée national suisse, quand il a été fondé à la fin du XIXe siècle, a reçu des collections de base qui étaient fondamentalement des collections suisses allemandes", explique sa directrice, Denise Tonella, dans La Matinale de la RTS. "En tant que Musée national, c'est pour nous très important qu'on ait vraiment une représentation de toute la Suisse, donc nous avons mis un focus ces dernières années sur l'histoire de la Suisse romande".
C'est très important pour nous d'avoir une représentation de toute la Suisse, donc nous avons mis un focus ces dernières années sur l'histoire de la Suisse romande
D'autres thèmes ont également été négligés par le passé. Le Musée national a rectifié le tir, mais n'a pas été assez réactif, selon Denise Tonella, qui souligne l'importance "d'intervenir tout de suite pour avoir des traces". "La dernière grande exposition où j'ai été commissaire était sur l'histoire des droits des femmes et on cherchait des objets de toutes les manifestations qui ont eu lieu dans les années 60, 70, etc.", raconte-t-elle. "Il n'y avait presque plus rien, parce que d'habitude, on fait des objets pour la journée de la manifestation et après, on les jette".
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Neutralité impossible
Autre sujet ignoré jusqu'ici, le colonialisme sera au coeur d'une exposition qui ouvrira au mois de septembre. Si Denise Tonella regrette les manquements du Musée national suisse, elle précise que le thème n'a commencé à être abordé de façon générale que récemment. "Les grandes publications à ce sujet sont sorties ces 25 dernières années. Et c'est là qu'on a vraiment commencé à remettre en question le récit historique pour ce qui concerne le colonialisme", dit-elle.
"En tant que Musée national, nous avons contribué à ce silence aussi parce que nous n'avons pas fait entrer dans la collection de façon stratégique l'histoire coloniale", admet-elle, "mais nous avons beaucoup d'objets en réalité qui racontent cette histoire. Nous devons simplement maintenant commencer à poser de nouvelles questions par rapport à ces objets".
Nous ne sommes pas porteurs de la vérité. Il n'y a pas de vérité sur l'histoire, mais il est important de donner une base au public pour qu'il puisse se faire sa propre opinion de l'histoire
Denise Tonella se donne en effet pour mission de raconter l'histoire de la Suisse à ses habitants avec les lunettes du XXIe siècle, mais sans toutefois la réécrire. Le Musée national s'efforce toujours de montrer différentes perspectives, mais il est impossible, selon elle, d'être neutre et de se détacher complètement de nos valeurs actuelles, "parce qu'on regarde toujours vers le passé en partant du présent".
"Nous ne sommes pas porteurs de la vérité. Il n'y a pas de vérité sur l'histoire, mais je crois que ce qui est important, c'est que l'on crée la possibilité de débattre et que l'on donne une base au public pour qu'il puisse se faire sa propre opinion de l'histoire", affirme-t-elle.
Regarder vers le futur
Le travail de Denise Tonella consiste également à enrichir les collections déjà présentes, ainsi qu'à observer les événements du présent qui pourraient s'inscrire dans l'histoire de la Suisse. "Notre mission est aussi de conserver l'histoire d'aujourd'hui pour les générations de demain", explique-t-elle, précisant qu'il s'agit "de récolter du patrimoine culturel pour les générations qui vont suivre et donc de garantir la possibilité de raconter l'histoire dans le futur".
Notre mission est aussi de conserver l'histoire d'aujourd'hui pour les générations de demain
Il s'agit donc d'évaluer la pertinence de certains thèmes et d'essayer de collecter des artefacts pour les intégrer dans la collection du Musée national suisse. Certains objets en lien avec la pandémie de Covid-19 ont par exemple déjà été ajoutés. La forte mobilisation étudiante pro-palestinienne ayant lieu en ce moment dans plusieurs universités suisses pourrait également être prise en compte.
Propos recueillis par Pietro Bugnon
Adaptation web: Emilie Délétroz