>> Longtemps peu considérée par les élites, la culture pop a acquis depuis quelques années ses lettres de noblesse.
>> A l'image de ses super-héros devenus les stars de films hollywoodiens rapportant des millions et de ses musiques de jeu vidéo reprises par des orchestres symphoniques de prestige, la pop culture est désormais partout. Elle est même étudiée dans les universités et exposée dans les musées.
>> En cinq épisodes créés pour une série d'été de l'émission Vertigo, Yacine Nemra raconte l'évolution de la pop culture.
RTS Culture
Musique de jeux vidéo
Quand "Zelda" rejoint "La flûte enchantée"
Lors de leur naissance dans les années 1970, les premiers jeux vidéo n’émettaient que quelques bips, puis on a pu y ajouter de la musique assez basique créée par des synthétiseurs et placée sur des cartes son 8 bits et 16 bits.
Grâce aux progrès techniques et surtout à l'augmentation de la mémoire disponible, les compositeurs ont pu par la suite proposer une musique de plus en plus complexe. Désormais, certaines bandes-son de jeux vidéo sont enregistrées par de véritables orchestres.
Depuis 2023, les Grammy Awards remettent d'ailleurs un prix de la meilleure musique de jeu vidéo. L'Américaine Stephanie Economou, compositrice de la BO du jeu d'action "Assassin’s Creed Valhalla: l'aube du Ragnarok", en a été la première lauréate.
Une forme de légitimation renforcée également par ces nombreux orchestres symphoniques qui proposent depuis plusieurs années des concerts avec des programmes de musique de jeu vidéo. En Suisse, même l'Orchestre de Suisse romande (OSR) s'est prêté à l'exercice.
Super-héros des comics books
Des stars à Hollywood
Autrefois considéré comme faisant partie d'une sous-culture, les comic books américains sont aujourd'hui l'un des piliers du cinéma hollywoodien.
C'est le film "Superman" de Richard Donner en 1978 qui a marqué un tournant, prouvant que les films de super-héros pouvaient toucher une audience globale. Par la suite, Tim Burton et Bryan Singer ont joué un rôle-clé avec leurs films "Batman" et "X-Men". Au début des années 2000, le succès du "Spider-Man" réalisé par Sam Raimi a consolidé la légitimité des films de super-héros.
Depuis 2008 et la création d'une franchise cinématographique, Marvel Studios a produit 33 films qui mettent en scène des personnages adaptés de comic books ("Iron Man", "Thor", "Captain America", "Spider-Man", "Black Panther"...), témoignant de la diversité et du pouvoir financier du genre.
Le jeu vidéo et le cinéma
De l'ignorance à la convergence
Pendant très longtemps, Hollywood n'a montré que peu de considération pour le jeu vidéo. Il faut attendre des films comme "Scott Pilgrim" d'Edgar Wright (2010) et "Ready Player One" de Spielberg (2018) pour voir une approche plus inclusive et positive du jeu vidéo et de ses joueurs et joueuses. Désormais, il est traité comme un phénomène culturel majeur et les films qui s'en inspirent ou qui en parlent visent le grand public et non plus une niche.
De leur côté, les jeux vidéo intègrent de plus en plus d'éléments cinématographiques. Aujourd'hui, la capture de mouvement permet de reproduire les gestes et expressions des acteurs et actrices. A travers des œuvres interactives réalisées avec des castings prestigieux, le jeu vidéo et le cinéma se rapprochent de plus en plus en termes de prestige et de qualité de production.
Des Pokémons au musée
Du pop art aux beaux-arts
En octobre dernier, le musée Van Gogh fêtait ses cinquante ans. A cette occasion, la célèbre institution amstellodamoise s'est offert une exposition pour le moins surprenante pour un musée des beaux arts. On pouvait y voir des toiles réalisées par des artistes de la Pokémon Company détournant des chefs-d’œuvre du peintre néerlandais. Une opération marketing qui cherchait à attirer un public plus jeune et peu familier des musées. Cette exposition a aussi rendu légitime des artistes issus de la pop culture, très peu présents dans ce type de musée.
Mais l'utilisation de figures de la pop culture par le monde de l'art n'est pas nouvelle. Comme acte fondateur, on cite généralement celui de l'artiste Roy Lichtenstein qui, dans les années 1960, a été puiser dans un comic book pour enfants afin de peindre une scène où l'on voit Mickey et Donald.
Dans les années 1980 éclot une nouvelle génération d'artistes, héritiers du pop art, qui s'emparent de ce qui l'entoure. Ainsi Jeff Koons et sa fameuse sculpture représentant Michael Jackson avec son chimpanzé ou Takashi Murakami, inspiré par la culture manga.
Il faudra attendre les années 2000 pour que les jeux vidéo attisent l'attention de certains artistes. A l'image de Cory Arcangel qui va hacker le fameux jeu "Mario Bros" pour n'en garder que le ciel et les nuages.
La pop culture entre à l'université
Sujet d'étude académique
De plus en plus de personnages de fiction populaire, de jeu vidéo, de stars de la pop ou d'animés japonais deviennent objet d'études académiques. Dès les années 1970, la linguistique s'est intéressée aux dialectes inventés par Tolkien dans "Le seigneur des anneaux".
Depuis le milieu des années 1980, on trouve des "Madonna studies", une branche des sciences sociales analysant la carrière de la chanteuse sous le prisme du genre, de la sexualité, du féminisme ou des médias de masse. Il existe également en Caroline du Sud un cours intitulé "Lady GaGa et la sociologie de la célébrité", et en France, on peut suivre celui d' "Harry Potter et le droit". Plus récemment sont également apparus dans diverses universités des cours d'analyse de textes des chansons de Taylor Swift.
En Suisse romande, le Game Lab, un groupe d'études de l'UNIL et de l'EPFL créé en 2016, se consacre pour sa part à l'étude des jeux vidéo.