Cinq films emblématiques de Coline Serreau, réalisatrice française engagée
Grand Format
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Collection ChristopheL via AFP - ETIENNE GEORGE
Introduction
Les films de Coline Serreau mêlent légèreté et profondeur, avec en fil rouge cet intérêt pour les problématiques sociétales, féministes et écologiques. A l'occasion de la mise en scène au théâtre de "La crise", à voir en Suisse romande, retour sur cinq films emblématiques de la réalisatrice française.
Chapitre 1
"Mais qu'est-ce qu'elles veulent?" (1976)
AFP - PASCAL GEORGE
Faire entendre la diversité des problématiques féministes
Sorti en 1978, le premier film de Coline Serreau a été tourné avec peu de moyens, faute de financement. "Mais qu'est-ce qu'elles veulent?" est un documentaire qui dresse le portrait de huit femmes racontant ce qu'elles vivent, ce qu'elles souhaitent, ce qu'elles espèrent et surtout ce qu'elles ne veulent plus du tout. Elles évoquent leurs souffrances, leurs luttes, leurs revendications et leurs espoirs dans la France des années 1970.
Avec pour ambition de montrer la pluralité des problématiques féminines, la jeune réalisatrice fait entendre des voix de femmes d'âges et de milieux sociaux divers (paysanne, ouvrière, militante, mère au foyer, artiste et même une actrice de films pornographiques). Elle démontre surtout que les revendications féminines ne concernent pas qu'une élite, mais que ce sont des problématiques qui touchent aussi des femmes issues des milieux populaires qui sont souvent totalement invisibilisées.
Avec son titre en forme de boutade reprenant une question souvent posée par les détracteurs des mouvements féministes de l'époque, "Mais qu'est-ce qu'elles veulent?" est bien accueilli par la critique et montre déjà l'engagement de la cinéaste française. Durant toute sa carrière, en véritable pionnière et avec un sens aigu de l'observation, elle ne cessera de précéder les questionnements sociétaux (féminisme, écologie, famille, injustices sociales ou racisme) dans des films qui combinent habilement critique sociale et humour, touchant ainsi un large public.
Chapitre 2
"Trois hommes et un couffin" (1985)
Collection ChristopheL via AFP - FLACH FILM / SOPROFILMS
Renverser les stéréotypes de genre sur la parentalité
Véritable phénomène de société qui a fait 10,2 millions d'entrées en France et a connu une belle réussite commerciale à l'international, "Trois hommes et un couffin" reste le plus grand succès de Coline Serreau.
Au moment de sa sortie en 1985, la critique a salué l'humour, la qualité de l'écriture et la performance des acteurs. Le film est sacré trois fois aux César comme Meilleur film, Meilleur scénario original et Meilleur acteur dans un second rôle pour Michel Boujenah. Il est également nommé aux Oscars et aux Golden Globe dans la catégorie Meilleur film en langue étrangère.
Dans "Trois hommes et un couffin", Coline Serreau renverse les stéréotypes de genre en explorant la paternité sur un ton à la fois moderne et comique. On y suit trois célibataires insouciants - Pierre (Roland Giraud), Jacques (André Dussollier) et Michel (Michel Boujenah) - qui partagent un appartement à Paris. Leur vie bascule lorsqu'un bébé nommé Marie - apparemment la fille de Jacques - est déposé chez eux par sa mère.
Jacques étant absent pour plusieurs semaines, ce sont Pierre et Michel qui, bien que complètement inexpérimentés, se retrouvent à devoir s’occuper de l’enfant. Entre couches, biberons et nuits sans sommeil, leur quotidien est bouleversé, mais cette expérience va les transformer en profondeur.
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A une période où les attributions traditionnelles au sein du couple et de la famille commencent à peine à être remises en question en France, Coline Serreau propose une inversion de ces rôles prédéfinis. Une manière à la fois de faire un focus sur les stéréotypes masculins et féminins liés à la parentalité et de questionner les normes sociales.
Chapitre 3
"La crise" (1992)
Collection ChristopheL via AFP - JEAN MARIE LEROY
Questionner le sens de la vie et le bonheur
Comédie dramatique, "La crise" est une satire sur la famille, l'individualisme, la solidarité, le racisme et les inégalités dans la société française du début des années 1990. Sous une apparente légèreté, ce film aborde aussi plus largement des questions existentielles comme le sens de la vie ou qu'est-ce que le bonheur.
Victor (Vincent Lindon) est un cadre supérieur prospère qui voit sa vie s'effondrer brutalement lors d'une journée où il apprend que sa femme l'a quitté, qu'il est licencié et qu'il réalise que ses proches, eux-mêmes absorbés par leurs problèmes, sont incapables de l'aider ou le comprendre. En pleine déprime, il rencontre Michou (Patrick Timsit), un marginal exubérant, sorte de miroir inversé de lui-même, avec lequel il entame un voyage initiatique qui l'amènera à se remettre en question et à surmonter cette crise existentielle.
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L'un des points forts du film réside dans ses dialogues incisifs, à la fois comiques et profonds. Chacun et chacune y va de son monologue, souvent afin d'expliquer son malaise. Par ailleurs compositrice et cheffe de choeur, Coline Serreau est très sensible à l'intonation et à la musicalité des répliques de ses films, un aspect sur lequel elle travaille beaucoup avec ses acteurs et actrices pour proposer des punchlines percutantes et truculentes.
Je veux vivre seule, seule, seule, tu comprends? Je veux pouvoir péter dans mes draps, tranquille, rentrer à n'importe quelle heure, bouffer sur un coin de table, inviter des copains, faire le ménage seulement une fois par an si ça me chante et je veux dépenser mon fric à ma façon.
Parmi les répliques de "La crise" devenues cultes, il y a celles d'Isabelle (Zabou Breitman), la soeur de Victor, qui explique à son copain qu'elle ne veut pas qu'il emménage chez elle ou le discours de leur mère (Maria Pacôme) lorsqu'elle balance à son fils qu'elle "s'en fout" de ses problèmes.
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Interrogée dans l'émission Vertigo du 9 janvier sur l'origine de ce film, Coline Serreau explique que l'idée de "Trois hommes et un couffin" et de "La crise" lui sont venues en mêmes temps: "Ce sont souvent des choses très inconscientes. Je me suis réveillé un matin et j'avais deux images très fortes en tête: celle de trois garçons penchés sur un berceau qui chantaient et celle d'un pauvre gars qui se réveille le matin et constate que sa femme est partie et apprend à son boulot qu'il est licencié. Je demande à mon fils de douze ans quelle histoire lui plaît le plus. Il me répond: 'J'adore les deux, mais je trouve que tu devrais quand même déjà faire l'histoire des trois garçons autour du berceau'. C'est ce que j'ai fait. Et puis après j'ai fait 'La crise'".
Succès critique et public, le film a attiré plus de 2,5 millions de personnes dans les cinémas français au moment de sa sortie. Patrick Timsit est honoré du César du Meilleur acteur dans un second rôle.
En ce moment, "La crise" renaît au théâtre en Suisse romande dans une mise en scène signée Jean Liermier dans laquelle huit comédiens, dont Brigitte Rosset et Simon Romang, incarnent les trente personnages de cette histoire.
Réfléchir sur l'écologie et le féminisme à travers un conte utopiste
Sans doute le film le plus personnel de Coline Serreau, "La belle verte" est une oeuvre singulière dans le paysage du cinéma français. Tout à la fois comédie utopique, satire sociale, réflexion philosophique et écologiste, le film imagine un mode de vie alternatif, basé sur l'harmonie avec la nature et les autres.
L'histoire se déroule sur une planète fictive appelée "La belle verte", où les habitantes et habitants vivent sans technologie ni hiérarchies sociales et en parfaite communion avec la nature. Chaque année, des volontaires sont envoyés sur d'autres planètes pour observer ses habitantes et habitants et les aider parfois à évoluer. Mais personne ne veut aller sur Terre, perçue comme une planète arriérée et destructrice.
Une femme nommée Mila, interprétée par Coline Serreau elle-même, décide finalement de s’y rendre. En arrivant à Paris, elle découvre un monde étrange et chaotique, marqué par la pollution, le consumérisme et l’individualisme. Grâce à ses pouvoirs, notamment celui de "déconnecter" les humains de leur conditionnement social, elle provoque des transformations radicales chez les gens qu’elle rencontre, amenant un regard frais et critique sur notre mode de vie.
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Très sensible aux questions environnementales et sociales, Coline Serreau réalise un film à la fois militant et poétique qui reflète les préoccupations émergentes de l'époque, telles que la dégradation de l’environnement, les inégalités sociales et le consumérisme. Des comportements qui sont dénoncés avec humour et ironie dans un film valorisant les relations humaines sincères et les modes de vie simples.
Sur la terre il y a quatre mecs sur cinq qui crèvent de faim. Y en a qui vivent dans des caves à cause des bombes. Il y a ceux qui pourrissent du cancer et du sida dans les hôpitaux. Y a celles qui se font violer par vingt-cinq mecs en même temps pour qu'elles sachent qui est le patron... Et y a toi.... Et toi il vient de t'arriver une chose teeerrriiible, on a touché à ton rétroviseur.
Film à gros budget, "La belle verte" a divisé la critique et n'a pas connu un grand succès commercial au moment de sa sortie. Certains ont salué l'audace et le message humaniste du film, alors que d'autres y ont relevé un côté naïf et une approche simpliste.
Mais grâce à ses diffusions télévisées, le long métrage a fini par trouver son public, en particulier auprès des spectateurs et spectatrices sensibles aux questions environnementales. Ainsi, si le message de "La belle verte" sur la nécessité d'un changement radical dans nos modes de vie et de consommation pouvait paraître étrange, voire saugrenu, au milieu des années 1990, il est aujourd'hui considéré comme précurseur.
Chapitre 5
"Chaos" (2001)
Collection ChristopheL via AFP - EMILIE DE LA HOSSERAYE
Dénoncer le machisme, le proxénétisme et l'intégrisme musulman
Après "La crise" et "La belle verte", "Chaos" marque au début des années 2000 la troisième collaboration entre l'acteur Vincent Lindon et la réalisatrice Coline Serreau.
Couple de bourgeois, Hélène (Catherine Frot) et Paul (Vincent Lindon) assistent depuis leur voiture à l'agression de Malika (Rachida Brakni), une prostituée. Craignant des ennuis, Paul interdit à son épouse d'appeler les secours. Il démarre en trombe en laissant la jeune fille gisant sur le sol.
Mais cet événement déclenche une onde de choc chez Hélène qui reste hantée par le visage de la victime. Menant discrètement son enquête, elle parvient à retrouver la trace de la jeune femme à l'hôpital et, délaissant le domicile conjugal, décide de s'occuper de Malika.
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Avec quelques scènes puissantes, violentes et parfois dérangeantes, "Chaos" dresse le portrait d'une société où l'indifférence, le machisme, l'intégrisme musulman et l'hypocrisie sont bien présents.
Invitant à ouvrir les yeux sur le proxénétisme et les violences faites aux femmes en France, c'est un film grave. Mais comme toujours avec Coline Serreau, la noirceur des situations décrites n'empêche pas des répliques comiques et savoureuses et permet à plusieurs personnages, généralement des femmes, de se révéler.
Rachida Brakni a été récompensée du César du Meilleur espoir féminin pour son rôle de Malika dans "Chaos".
Le chaos est rempli d'espoir parce qu'il annonce une renaissance.