Le prix Nobel de littérature est attribué au Péruvien Mario Vargas Llosa "pour sa cartographie des structures du pouvoir et ses images aiguisées de la résistance de l'individu, de sa révolte et de son échec", a précisé l'Académie à Stockholm.
Auteur d'une oeuvre d'inspiration historique aux formes narratives innovatrices, Mario Vargas Llosa était déjà lauréat de plusieurs récompenses, dont le prix Cervantès, la plus importante distinction littéraire en espagnol. Il est l'auteur d'une trentaine de livres (essais, romans, nouvelles, théâtre) traduits dans le monde entier.
Haute silhouette massive, toujours élégant, Mario Vargas Llosa intervient fréquemment dans la plupart des grands journaux mondiaux pour défendre le libéralisme. Il avait été le candidat d'une coalition de centre-droit à la présidence du Pérou en 1990, battu par Alberto Fujimori. Il avait pris la nationalité espagnole trois ans après sa défaite à l'élection péruvienne.
Marié à sa tante
Né à Arequipa (sud du Pérou), le 28 mars 1936, Mario Vargas Llosa est élevé par sa mère et ses grands-parents maternels à Cochabamba (Bolivie) puis au Pérou. Après des études à l'Académie militaire Leoncio Prado de Lima, il décroche une licence de Lettres à Lima. Grâce à une bourse, il poursuit ses études et obtient un doctorat à Madrid.
Il s'installe ensuite à Paris, où, marié à sa tante Julia Urquidi, de 15 ans son aînée, il exerce diverses professions: traducteur, professeur d'espagnol, journaliste à l'Agence France-Presse.
Décollage avec "La ville et les chiens"
En 1959, il publie son premier recueil de nouvelles "Les caïds". Mais c'est avec le roman "La ville et les chiens" que sa carrière littéraire décolle en 1963. Trois ans plus tard, il consolide sa notoriété avec "La Maison verte".
Séduit par Fidel Castro et la révolution cubaine, il se rend à La Havane qu'il quittera pour regagner l'Europe avec une nouvelle épouse, Patricia. En 1971, l'auteur rompt publiquement avec la révolution castriste et les mouvements d'extrême-gauche, devenant un critique acerbe du "Lider maximo".
Politique et armée
Le prestige littéraire de Vargas LLosa s'est entre-temps renforcé avec la parution en 1969 de son roman documentaire "Conversation à la cathédrale".
Suivent d'autres succès comme "Pantaleon et les visiteuses" (1973), satire du fanatisme militaire, "La tante Julia et le scribouillard" (1977), inspiré de son premier mariage, "La guerre de la fin du monde" (1982) évoquant la politique brésilienne, "Qui a tué Palomino Molero?" (1986) sur les violences politiques au Pérou, et "Le poisson dans l'eau" (1993), récit autobiographique, ou encore "Eloge de la marâtre", "La fête au bouc" et "Tours et détours de la vilaine fille".
Une étroite amitié le liera pendant plusieurs années à l'écrivain colombien Gabriel Garcia Marquez, resté proche de Castro, mais elle se terminera abruptement. Pour des raisons politiques, par jalousie professionnelle ou pour une question de femme. Le mystère demeure...
agences/bri/hof
REACTIONS DE L'AUTEUR, DU ROI D'ESPAGNE ET DU PRESIDENT PERUVIEN
Mario Vargas Llosa a remercié l'Espagne à qui il doit "une grande partie" de sa récompense. Il s'exprimait à la télévision publique espagnole. "Je dois une grande partie de ce prix à l'Espagne. C'est ici que je suis devenu un romancier connu, c'est pour cela qu'en cette circonstance, je tiens à remercier l'Espagne pour tout ce que je lui dois en tant qu'écrivain", a déclaré à la chaîne espagnole TVE Vargas Llosa, joint par téléphone depuis New York. "C'est en Espagne que mon travail a été publié, reconnu et promu. Plusieurs Espagnols ont été des personnes décisives (...), comme Carlos Barral, qui a été mon premier éditeur et qui a tant fait campagne pour mon premier roman", a-t-il ajouté. La nouvelle de cette récompense a été accueillie avec joie dans le pays d'accueil de Vargas Llosa alors qu'il dispose depuis 1993 de la nationalité espagnole et qu'il réside une partie de l'année à Madrid.
Le roi Juan Carlos a souligné qu'il s'agissait d'une "nouvelle fantastique pour l'Espagne" car Vargas Llosa, auquel le souverain s'est déclaré "très attaché", est "un grand ami de l'Espagne".
José Luis Rodriguez Zapatero, le chef du gouvernement espagnol, a lui aussi salué le Nobel pour ce "grand écrivain de l'imaginaire et écrivain de sa propre expérience", qui a su décrire "les structures du pouvoir", la "résistance individuelle, la révolte et la déroute".
Le président péruvien Alan Garcia a estimé de son côté que l'attribution du prix Nobel de littérature à Mario Vargas Llosa est "un honneur et un grand jour pour le Pérou", et la reconnaissance du pouvoir de création d'un "Péruvien universel". Mario Vargas Llosa est "un extraordinaire créateur de la langue, un grand romancier et un grand dramaturge, qui a exploré tous les recoins de la création" littéraire, a déclaré le chef de l'Etat dans une réaction à la radio de Lima RPP. "C'est extrêmement émouvant, un événement merveilleux pour le Pérou", a poursuivi Alan Garcia, qui estime qu'à travers la distinction de Vargas Llosa, son pays "entre par la grande porte à l'Académie suédoise".
Ses romans
Les Caïds, 1959
La Ville et les chiens, 1963
La Maison verte, 1965
Les Chiots, 1967
Conversation à la cathédrale, 1969
Pantaléon et les visiteuses, 1973
La tante Julia et le scribouillard, 1977
La Guerre de la fin du monde, 1981
Histoire de Mayta, 1984
Qui a tué Palomino Molero ?, 1986
L'Homme qui parle, 1987
Éloge de la marâtre, 1988
Lituma dans les Andes, 1993
Les Cahiers de Don Rigoberto, 1997
La fête au bouc, 2000
Le Paradis – un peu plus loin, 2003
Tours et détours de la vilaine fille, 2006
L'Herne, 2009
Les quinze derniers lauréats
2010: Mario Vargas Llosa (Pérou/Espagne)
2009: Herta Müller (Allemagne)
2008: Jean-Marie Gustave Le Clezio (France)
2007: Doris Lessing (Grande-Bretagne)
2006: Orhan Pamuk (Turquie)
2005: Harold Pinter (Grande-Bretagne)
2004: Elfriede Jelinek (Autriche)
2003: J.M. Coetzee (Afrique du sud)
2002: Imre Kertesz (Hongrie)
2001: V.S. Naipaul (Grande-Bretagne)
2000: Gao Xingjian (France)
1999: Gunter Grass (Allemagne)
1998: Jose Saramago (Portugal)
1997: Dario Fo (Italie)
1996: Wislawa Szymborska (Pologne)