Publié

Une rentrée littéraire entre crise et strass

Les éditeurs notent un net recul du nombre d'ouvrages français pour cette rentrée. [Fabrice Coffrini]
Les éditeurs notent un net recul du nombre d'ouvrages français pour cette rentrée. - [Fabrice Coffrini]
Signe de la morosité des temps, les écrivains s'emparent de sujets noirs pour la rentrée littéraire en France. Les éditeurs, eux, jouent la prudence, avec 654 sorties contre 701 en 2010. Mais les valeurs sûres sont au rendez-vous au côté de pépites comme le premier roman d'Alexis Jenni.

Après des ventes en berne dans les librairies au premier semestre, c'est l'un des plus faibles volumes de parutions depuis dix ans et, surtout, un net recul du nombre d'ouvrages français: 435 d'août à octobre 2011 contre 497 en 2010 (-12%), selon l'enquête très documentée de Livres Hebdo.

Roman drôle et grave sur la solitude, "Les souvenirs" de David Foenkinos (Gallimard) bruissent déjà de rumeurs de prix Goncourt, le plus prestigieux des prix pour la littérature d'expression française. Verdict le 3 novembre. Le romancier et scénariste français y imagine l'enquête loufoque et fabuleuse d'un aspirant écrivain à la recherche de sa grand-mère en fugue. Son livre, "La délicatesse", dominait les ventes cet été en poche en France.

Voyou et artiste

Autre Français attendu, Emmanuel Carrère et son "Limonov", portrait choc de l'iconoclaste russe Edouard Limonov, voyou et artiste underground sous Brejnev, puis fondateur de l'ultranationaliste Parti national bolchévique. Marie Darrieussecq, elle, publie un perturbant "Clèves", au réalisme radical sur l'éveil à la vie amoureuse et sexuelle d'une petite fille. Deux livres publiés chez P.O.L.

L'ancien grand reporter du quotidien français Libération, Sorj Chalandon, revient sur l'Irlande du Nord et l'IRA et poursuit, dans "Retour à Killybegs" (Grasset), son travail de deuil entamé avec "Mon traître".

Dans "Le système Victoria", Eric Reinhardt (Stock) confronte un couple dans l'impasse au désenchantement du monde. Véronique Ovaldé propose "Des vies d'oiseaux" (L'Olivier) et Lydie Salvayre avec "Hymne" (Seuil) part à Woodstock à l'assaut du mythe Hendrix.

Coup de poing

S'ajoutent à ce panier de choix, le coup de poing de "Tout, tout de suite" de Morgan Sportès (Fayard), roman-enquête sur l'effrayant crime du "Gang des barbares" qui a défrayé la chronique en France en 2006.

Deux francophones, l'Haïtien Lyonel Trouillot avec "La belle amour humaine" chez Actes Sud et la Belge Amélie Nothomb, l'auteure chérie des Français, avec son 20e roman, "Tuer le père" (Albin Michel), font aussi l'événement.

Traductions à l'honneur

Ce sont néanmoins les traductions d'auteurs étrangers qui se taillent la part du lion en cette rentrée avec 219 titres (contre 204 en 2010) et notamment trois stars internationales. Best-seller au Japon, "1Q84" de Haruki Murakami (Belfond) est une odyssée initiatique entre deux mondes, réflexion désabusée sur la société nippone.

De même, "Freedom" (L'Olivier), de l'Américain Jonathan Franzen, chronique touffue d'une famille américaine sur trois décennies, s'est vendue à plus d'un million d'exemplaires aux Etats-Unis. Franzen a été l'un des très rares écrivains à être honoré de la couverture du magazine Time.

Emotion choc aussi avec l'Israélien David Grossman, qui écrit après la mort de son fils au front: "Une femme fuyant l'annonce" (Seuil), qui suit une mère fuyant Jérusalem pour éviter ceux qui lui révèleront, elle le sent, le décès de son fils soldat.

ats/cht

Publié

Peu de premiers romans

Les premiers romans sont les plus touchés par la frilosité éditoriale avec 74 titres contre 85 en 2010 (-12,9%). Certaines maisons comme P.O.L, Denoël ou L'Olivier n'en publient aucun.

Parmi ces nouveaux venus, des perles rares comme "L'Art français de la guerre" d'Alexis Jenni (Gallimard), stupéfiante plongée dans l'horreur des combats, du sang et de la fatalité. Un pavé de 600 pages dans la mare de la colonisation d'une puissance époustouflante pour la première oeuvre d'un professeur lyonnais de 48 ans.

Dans "Brut" (Seuil), Dalibor Frioux imagine un meilleur des mondes détraqué dans une Norvège croulant sous l'or noir, qui résonne après le massacre du 22 juillet.