L'électro british de Public Service Broadcasting à la conquête de l'espace

"Nous entrons dans une décennie d'espoirs et de peurs, un âge de savoir et d'ignorance où tous les yeux sont tournés vers l'espace, la Lune et au-delà".

Accompagné d'un choeur céleste, les mots du président américain John F.Kennedy résonnent en ouverture du second album de Public Service Broadcasting, "The Race for Space".

Le duo britannique, qui marie loops électro, beats disco et guitare plus rock, raconte au travers d'archives audio tout un pan de l'histoire humaine: celle de la bataille entre Russes et Américains pour être les premiers à conquérir ce nouveau territoire spatial.

Gagarin funky et Armstrong rockeur

Véritable voyage cinématographique, les neuf titres de "The Race for Space" emmènent l'auditeur de "Sputnik", satellite russe lancé en 1957, jusqu'à "Go!", mission d'Apollo 11 en 1969 qui vit Armstrong poser le pied sur la Lune.

Que ce soit avec "Gagarin", premier homme dans l'espace et titre funky, ou la ballade "Valentina" - son pendant féminin -, le duo démontre son talent de conteur. Pas intello pour autant, l'album s'écoute tout aussi bien sans prêter attention à tous les textes.

Planante par essence, l'électro de PSB ne peut pas mieux raconter l'univers fascinant que reste l'espace.

Seconde révolte plus mitigée pour Fauve

Après son succès fulgurant en 2014, le mystérieux collectif Fauve sert déjà une suite à son premier opus, "Vieux Frères-Partie 2". Adulé autant que détesté, le collectif - une vingtaine d'artistes dont cinq musiciens sur scène lors des concerts - raconte toujours ses galères quotidiennes en plaquant des mots parlés sur des mélodies électro-hip-hop.

La musique est un exutoire pour ces presque trentenaires français en mal d'expression, représentatifs de toute une génération formatée à coup de pubs sexys et de blockbusters clichés.

Si leur poésie regorge donc de formules éculées, tout n'est pas à jeter.

Côté ado attardé collé à la peau

Elan de vie et refus de la résignation: ce qui a fait prendre la plume à Fauve reste une force vive de leur écriture. "Paraffine", scandant la rébellion, ou "T.R.W", qui remballe le "made in china", en sont de belles démonstrations.

La révolte du premier album s'est assagie pour livrer onze titres plus optimistes mais aussi parfois plus insipides.

Si la musique s'étoffe (saxo, guitare sèche, piano ou xylophone), Fauve ne s'est pas encore débarrassé de son côté ado attardé. La seule phrase qui conclut le pourtant très bon "Azulejos" ("je me balade libre la bite à l'air") suffit à tout flanquer par terre.

Les incantations électro-soul d'Ibeyi

A 20 ans seulement, elles sont le phénomène de ce début d'année. Lisa-Kaindé et Naomi Diaz, soeurs jumelles franco-cubaines, livrent "Ibeyi", treize titres électro-soul, mêlant piano, chants yorubas, loops hip-hop et percussions afro-cubaines raffinées.

Voix a capella rejointes par une envoûtante percussion au cajon, "Eleggua" et "Oya", du nom d'esprits orishas, ces divinités afro-cubaines, donnent immédiatement le ton de l'album.

Le subtil mélange d'influences, mixé par le producteur Richard Russell (XL Recordings: Radiohead, Adele), offre une musique spirituelle et intime.

Héritage familial et amour filial

Cet héritage culturel et musical leur vient notamment de leur père, Anga Diaz, fameux percussionniste cubain qui collabora avec Chucho Valdes, Ibrahim Ferrer ou Ry Cooder, décédé en 2006 lorsque les soeurs avaient 11 ans. Le magnifique "Think of you" lui est dédié.

L'amour, la filiation ou la fidélité sont d'ailleurs des thèmes forts de l'album aux accents jazzy.

Si certains titres sont plus conventionnels (Stranger/Lover, Weatherman), les soeurs parviennent toujours à surprendre au détour d'une rythmique inattendue (Faithful) ou d'un choeur yoruba inspiré (Behind the Curtain).

Sophie Badoux