"La Femme au Tableau": un combat pour la restitution du "trésor nazi"
"La Femme au Tableau", film historique de Simon Curtis avec Helen Mirren et Ryan Reynolds, sort en salles mercredi.
Le combat d'une rescapée juive et de son avocat pour récupérer la "Joconde autrichienne", oeuvre majeure de Gustav Klimt expropriée par les nazis, remet sur le devant de la scène la restitution des biens culturels spoliés sous le Troisième Reich.
La tâche est titanesque et des affaires comme celle de la controversée collection Gurlitt rappellent qu'elle est loin d'être terminée.
Jessica Vial
Le pitch
Bataille pour la "Joconde autrichienne"
Un jeune avocat américain (Ryan Reynolds), fait la connaissance d'une attachante septuagénaire (Helen Mirren), qui lui demande de l'aider à récupérer plusieurs oeuvres du peintre autrichien Gustav Klimt, volées à sa famille durant la Seconde Guerre mondiale et détenues par le gouvernement autrichien.
Randol Schoenenberg intente alors un procès pour que le "Portrait d'Adèle Bloch-Bauer I" (connu comme la "Joconde autrichienne"), notamment, revienne à sa propriétaire légitime.
"La Femme au Tableau" de Simon Curtis retrace l'histoire véridique de Maria Altmann, une rescapée juive connue pour sa bataille juridique pour la restitution de biens culturels spoliés par les nazis.
La bande-annonce:
Contenu externe
Ce contenu externe ne peut pas être affiché car il est susceptible de collecter des données personnelles. Pour voir ce contenu vous devez autoriser la catégorie Réseaux sociaux.
AccepterPlus d'info
Le film
En quelques images...
Oeuvre biographique
L'Affaire Maria Altmann
La véritable Maria Altmann, rescapée juive exilée aux Etats-Unis, a entamé en 1999, à 82 ans, un combat juridique pour se voir restitués six tableaux de Gustav Klimt exposés à la Galerie nationale d'Autriche, dont un représentant sa tante, Adèle Bloch-Bauer, la fameuse "Woman in Gold" (ou "portrait doré").
Les tableaux volés à la famille de Maria Altmann:
Le cas a été porté jusqu'à la Cour suprême des Etats-Unis en 2004, qui a levé l'immunité juridique de l'Autriche. Maria Altmann a finalement obtenu gain de cause lors d'un arbitrage indépendant en Autriche et cinq des tableaux spoliés lui ont été ramenés à Los Angeles en 2006. Il s'agissait de la plus importante (en termes monétaires) restitution d'oeuvres volées par les nazis.
Maria Altmann est décédée en 2011, à l'âge de 94 ans. Aujourd'hui, la "Woman in Gold" est exposée dans une galerie de Manhattan.
Contexte historique
Le "nouvel ordre culturel" nazi
La spoliation d'oeuvres d'art (ou "Raubkunst") désigne la dépossession massive et planifiée d'oeuvres d'art jugé "dégénéré" par les institutions du régime national-socialiste, sous le Troisième Reich.
De 1933 à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les nazis ont pillé et confisqué des collections publiques et privées dans tous les pays occupés, mais également dans des appartements juifs (70'000 logements au total).
Nombreuses sont les oeuvres qui ont été retrouvées dans des mines de sel aménagées ou des entrepôts.
Combat contre "l'art dégénéré"
Les nazis justifiaient ce pillage par le "Kunstschutz" (préservation du patrimoine culturel). La spoliation des oeuvres répondait à la poursuite d'un "nouvel ordre culturel", notamment incarné par le projet de gigantesque musée allemand, le Führermuseum, que voulait faire construire Hitler dans son combat contre l'art moderne, qualifié de "dégénéré".
Restitution
Une politique de réparation
Dès la fin de la guerre, la restitution des oeuvres spoliées s'inscrit dans les politiques de réparation et une Commission des restitutions au Congrès juif mondial est instituée à cet effet en 1947.
Quelques photos d'archives de la découverte des biens spoliés:
Fin juin 2009, 46 pays se sont engagés à poursuivre le processus de réparation des spoliations subies par les juifs sous le régime nazi, dans une déclaration internationale publiée à Prague, dite "Déclaration de Terezin" du nom d'un ancien camp de concentration situé au nord de Prague.
Sur les 600'000 œuvres d’art pillées durant la période nazie de 1933 à 1945, on estime que 100'000 sont toujours portées disparues, mal identifiées ou détournées.
Recherche
Une base de données en ligne
La "Conference on Jewish Material Claims Against Germany" a mis en ligne en 2011 un registre de 20'000 oeuvres d'art volées par les nazis, en collaboration avec le Musée américain de l'Holocauste.
Le travail, qui a commencé en 2005, a consisté à numériser puis à décrypter les fiches de l'ERR (Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg), l'agence allemande chargée des spoliations entre 1940 et 1944.
Une part importante des oeuvres inventoriées est toujours manquante.
Rôle de la Suisse
"Plaque tournante" du pillage
La Suisse a fait office de "plaque tournante" pour la vente et le transfert d'oeuvres d'art pillées par le régime nazi.
On parlait par exemple de biens "en fuite", pour désigner des oeuvres transférées, notamment en Suisse, afin que les propriétaires légitimes ne les récupèrent pas.
Il n'est donc pas rare que des pièces d'exception à l'origine non établie se retrouvent dans les musées helvétiques.
Plusieurs affaires
En 2010, le Kunsthaus de Zurich a notamment reconnu la revendication des descendants du collectionneur Alfred Sommerguth, à qui appartenait "Madame La Suire" d'Albert von Keller. Les héritiers ont choisi d'en faire don, à condition que la mention du vol par les nazis figure à côté du tableau.
En revanche, le Musée des Beaux-Arts de La Chaux-de-Fonds avait refusé en 2009 de restituer un tableau de John Constable appartenant à la famille Jaffé, volé durant la Seconde Guerre mondiale. Les autorités ont invoqué une disposition du droit suisse protégeant un acheteur ayant agi de bonne foi.
Aucune loi n’oblige les musées et les marchands d’art à chercher les origines de la propriété. Ils ne voient souvent aucune raison de consacrer leurs fonds à une recherche longue et coûteuse.
«Aucune loi n’oblige les musées et les marchands d’art à chercher les origines de la propriété. Ils ne voient souvent aucune raison de consacrer leurs fonds à une recherche longue et coûteuse», expliquait Thomas Buomberger, historien de l’art mandaté par la Suisse pour faire la lumière sur son rôle de pays de transit pour les œuvres d’art pillées, en 2013 dans La Liberté.
Afin d’accélérer le processus d’identification et de restitution, l’Office fédéral de la culture a mis en ligne en juin 2013 une série de documents et d’informations pour faciliter la coordination des efforts des musées et des chercheurs.
La principale affaire de spoliation de biens culturels par le régime nazi touchant la Suisse est celle de la controversée collection Gurlitt.
La collection, qui compte environ 1600 peintures, dessins et gravures, dont des oeuvres de Canaletto, Courbet, Picasso, Chagall, Matisse et Toulouse-Lautrec. Elle a été constituée par Hildebrand Gurlitt, un marchand d'art en vue sous le régime nazi, dont la spécialité était de racheter à bon prix des oeuvres d'art aux familles juives en difficulté.
Légataire universel
Cornelius Gurlitt, son fils, a longtemps vécu reclus entouré de ces oeuvres. En avril 2014, il a accepté de coopérer avec les autorités allemandes pour déterminer si une partie des tableaux qu'il possédait provenait de vols et de pillages commis par les nazis. Décédé en mai de la même année, il a fait du Musée des Beaux-Arts de Berne son légataire universel.
L'institution a accepté l'héritage en novembre 2014 et s'est engagée à travailler avec l'Allemagne pour restituer les oeuvres spoliées.
Un autre film s'était inspiré début 2014 de la "chasse" aux biens culturels pillés par les nazis.
"Monuments Men", réalisé par George Clooney, raconte l'histoire de sept hommes, directeurs et conservateurs de musées, artistes, architectes et historiens de l'art, qui partent à la recherche des oeuvres volées en pleine Seconde Guerre mondiale, pour empêcher leur destruction et les restituer à leurs propriétaires légitimes.
La bande-annonce:
Contenu externe
Ce contenu externe ne peut pas être affiché car il est susceptible de collecter des données personnelles. Pour voir ce contenu vous devez autoriser la catégorie Réseaux sociaux.