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Fréquentations record des festivals: les chiffres sont-ils crédibles?

Depuis plusieurs années, les grands festivals de cinéma de Suisse romande annoncent des chiffres de fréquentation en progression vertigineuse. Entre 2011 et 2015, l’augmentation est massive et globale: le NIFFF (+35%), le FIFF (+25%), Visions du Réel (+66%), FIFDH (+59%), BLACK MOVIE (+40%), Cinéma Tous Écrans (+22%). Ces chiffres correspondent-ils à la réalité? Sur quelle base sont-ils calculés?

En résumé

La manière de compter le public a changé

Il existe un réel engouement du public pour ces festivals, car le public s'y rend pour découvrir les films les plus pointus qui ne sortent plus au cinéma. D'autre part, la plupart de ces festivals sont nés il y a moins de 20 ans. Forcément, ils ont grandi, ils se sont professionnalisés. Ce qui explique aussi ces chiffres en progression constante.

Mais les chiffres vertigineux (jusqu'à + 65%) s'expliquent également par la manière de compter le public qui se rend aux projections, mais aussi celui présent aux événements annexes comme des conférences, débats, rencontres, concerts... ou ceux qui ne viennent que boire un verre.

Si les chiffres de fréquentation ne déterminent pas le montant des subventions, les festivals doivent par contre recourir de plus en plus aux sponsors et aux fonds privés. Sponsors qui regardent par contre de très près la fréquentation.

>> Animation de l'augmentation de la fréquentation des festivals romands de cinéma 2011-2015 :

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Augmentation de la fréquentation des festivals romands de cinéma 2011-2015 / Info en vidéos / 6 sec. / le 1 février 2016

>> La présentation de l'enquête dans l'émission Vertigo :

Le FIFF lors de la cérémonie d'ouverture, le 21 mars. [FIFF/NB]FIFF/NB
Cinéma: records de fréquentation pour les festivals / Vertigo / 11 min. / le 1 février 2016

>> L'interview de Philippe Clivaz dans l'émission Forum :

La fréquentation du festival Visions du Réel aurait progressé de 66% en l'espace de cinq ans. [Valentin Flauraud]Valentin Flauraud
Fréquentation record des festivals de cinéma: des chiffres crédibles? / Forum / 7 min. / le 1 février 2016

Neuchâtel International Fantastic Film Festival (NIFFF)

Engouement du public et des médias

Pour Anaïs Emery, directrice du NIFFF, cette progression s’explique avant tout par un réel engouement de la part du public comme des médias.

Les festivals de cinéma compensent le manque de diversité des films proposés dans les salles traditionnelles et attirent de nouveaux spectateurs. Par ailleurs, de nombreux festivals sont nés il y a moins de 20 ans. Avec le  temps, ils ont gagné en volume, en notoriété, et en professionnalisme et ont logiquement augmenté leur fréquentation.

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Anaïs Emery / Info en vidéos / 3 min. / le 1 février 2016

La Ville de Genève

Spectateurs vs festivaliers, des chiffres à distinguer

Derrière ces chiffres de fréquentation record, il faut comprendre que les festivals comptabilisent ce qu’on appelle les spectateurs et les festivaliers.

Les spectateurs assistent aux projections de films (payantes ou gratuites) et sont comptabilisés par un système de billetterie précis. Les festivaliers, en revanche, participent aux débats, aux rencontres, aux événements annexes (concerts, cocktails), ou viennent simplement boire un verre.

Décomptés selon une estimation, comme lors d’une manifestation, ils ne sont pas pris en compte par tous les festivals dans leur fréquentation annuelle.

Jean-Bernard Mottet, conseiller culturel au Département de la culture et du Sport de a Ville de Genève, qui subventionne les festivals Black Movie, FIFDH et Cinéma Tous Ecrans, explique cette distinction.

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Jean-Bernard Mottet / Info en vidéos / 4 min. / le 1 février 2016

Geneva International Film Festival Tous Écrans

Qui compter et comment ?

Directeur du festival Cinéma Tous Ecrans, Emmanuel Cuénod soulève le problème du comptage précis des festivaliers. Comme le FIFDH, le concept de CTE dépasse le strict cadre des projections de films et offre une multitude d’événements gratuits (expériences transmédias, soirées, concerts…) qui touchent des publics très divers. Il est donc important de comptabiliser ces festivaliers.

Le problème, c’est que leur comptage relève pour l’instant de l’estimation plus ou moins précise. Tout cela rend les chiffres aussi compliqués à calculer pour les directeurs de festivals que difficile à lire à l’extérieur. Qui calcule quoi et comment?

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Emmanuel Cuénod / Info en vidéos / 4 min. / le 1 février 2016

La Conférence des festivals

Une question de crédibilité

Comme chaque festival comptabilise différemment ses spectateurs et ses festivaliers, sans que l’on ne sache toujours comment ils sont calculés, les chiffres de fréquentation sont à prendre avec des pincettes. La crédibilité des festivals s’en ressent.

C’est pourquoi les principaux festivals suisses de cinéma (Locarno, Nyon, Fribourg, Neuchâtel, Cinéma Tous Ecrans…) se sont regroupés, en 2010, au sein de l’association "Conférence des festivals ". Son président, Philippe Clivaz, également secrétaire général du festival de Nyon – Visions du Réel, nous explique que le but est de parvenir à harmoniser le système de comptage pour tous les festivals.

C’est le seul moyen pour que les chiffres de fréquentation annoncés apparaissent irréprochables pour la branche professionnelle du cinéma suisse et l’Office Fédéral de la Culture à Berne.

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Philippe Clivaz / Info en vidéos / 3 min. / le 1 février 2016

Festival International du Film de Fribourg (FIFF)

Les solutions

Afin d’harmoniser ces chiffres de fréquentation, certains préconisent la mise en place d’un système de scanner commun à tous qui permettrait de compter exactement le nombre de personnes qui fréquentent une projection, un événement annexe, une conférence ou un concert.

Ce scanner a toutefois un coût qui rend son accessibilité délicate pour les festivals au budget le plus modeste.

Directeur du Festival International du Film de Fribourg (FIFF), Thierry Jobin ne voit que cette solution pour uniformiser le système de comptage des festivals.

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Thierry Jobin / Info en vidéos / 2 min. / le 1 février 2016

Le Festival du film et forum international sur les droits humains (FIFDH)

Les sponsors à la rescousse

La pression est donc d’autant plus forte pour ces festivals que les subventions cantonales ou fédérales sont gelées, ou appelées à diminuer dans un avenir immédiat. Le "gâteau" ne grossit pas, alors que chaque festival doit se battre pour maintenir sa part, ou s’inviter à la table des élus. Afin de compenser le manque d’argent public, les festivals de cinéma sont condamnés à recourir de plus en plus aux sponsors ou aux fonds privés.

Sponsors qui regardent de très près la fréquentation de ces festivals puisqu’ils sont directement intéressés à toucher tel ou tel public cible lors de ces manifestations.

Directrice du FIFDH (Festival du Film et Forum des Droits Humains), Isabelle Gattiker souligne l’importance vitale des sponsors pour l’avenir des festivals.

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Isabelle Gattiker / Info en vidéos / 4 min. / le 1 février 2016

Black Movie

Une question de survie

Aides publiques coupées. Sponsors difficiles à obtenir. Les festivals de cinéma sont mis à rude épreuve et entament une période particulièrement compliquée.

A Genève, le marché est déjà saturé par les festivals spécialisés dans le septième art. Pour certains, la question n’est plus de continuer à grandir, mais simplement de survivre.

Codirectrices du festival Black Movie, Kate Reidy et Maria Watzlawick, s’inquiètent de l’avenir de leur festival.

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Kate Reidy et Maria Watzlavick / Info en vidéos / 4 min. / le 1 février 2016

Festival International de cinéma Nyon - Visions du Réel

La taille critique est atteinte

Après avoir grandi, augmenté le nombre de projections, d’invités, de films, et d’événements, les festivals de cinéma semblent avoir atteint leur taille critique, en terme de budget comme de chiffre de fréquentation.

Une expansion continue paraît dès lors improbable, et dangereuse, comme l’explique Claude Ruey, président du festival de Nyon – Visions du Réel.

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Claude Ruey / Info en vidéos / 3 min. / le 1 février 2016

Office fédéral de la culture

La barque est pleine

Face à un avenir peu encourageant, les festivals risquent de se tourner vers l’OFC (Office fédéral de la culture) afin d’obtenir des aides que les cantons n’offrent plus. Même s’il n’a pas augmenté son budget, l’OFC, qui soutient actuellement 9 festivals, dont 3 en Suisse romande (NIFFF, le FIFF, et Nyon), a mis au concours ses prochaines subventions pour la période 2017-2019.

Les candidatures viennent d’être déposées et l’OFC prendra sa décision en mars, soit pour reconduire les aides déjà octroyées, soit pour en enlever à certains et les redistribuer à d’autres.

Directeur de l’OFC, Ivo Kummer est parfaitement conscient des tensions qui existent au sein des festivals de cinéma en Suisse. Il souligne la nécessité de compter avec précision les chiffres de fréquentation et avance le fait qu’à l’avenir, les festivals seront probablement obligés de réduire leur prestation, voire de renoncer carrément à certains de leurs programmes.

Logo Vertigo
VER 01.02.16 IVO KUMMER / Vertigo / 3 min. / le 1 février 2016

Crédits

Un dossier de la Rédaction Culture et RTSinfo

Enquête réalisée entre juin 2015 et janvier 2016 par

Rafael Wolf, Miruna Coca-Cozma et Pauline Turuban.

Rédaction culture: Philippa de Roten

RTSinfo: Nicolas Roulin