"Après le 7 janvier, c'était devenu impossible pour moi de rêver à nouveau et de dessiner. J'ai cru perdre totalement le dessin, mais il est revenu comme un réflexe, d'abord dans le numéro des survivants de Charlie", a expliqué la dessinatrice de 36 ans sur le plateau du 12h45.
Catherine Meurisse était arrivée en retard le 7 janvier 2015 et a donc échappé au pire, la tuerie de Charlie Hebdo qui a fait 12 morts, parmi lesquels huit collaborateurs du journal, ses collègues et amis.
Quête de beauté
Choquée, l'artiste a décidé de partir en quête de beauté pour se reconstruire. Un cheminement qui vient de prendre corps au travers d'un album BD intitulé "La Légèreté", publié aux éditions Dargaud.
"J'ai voulu reconquérir le dessin. Luz, le dessinateur, m'y a aidée en sortant son album "Catharsis", dans lequel il a brisé ce "nous" collectif qui s'était installé après Charlie Hebdo pour dire "je". Moi aussi j'ai voulu dire "je" à nouveau."
Cet album, c'était pour ne plus rien perdre après avoir tout perdu.
"Ressusciter mes amis"
Après le grand vide et la page blanche, "La Légèreté" raconte cette traversée du désert pour retrouver goût à la vie. Catherine Meurisse y retrace son entrée à Charlie Hebdo dès 2010. Après l'attaque, elle doit vivre sous protection policière rapprochée, "comme dans un piège". Pour en sortir, elle se tourne vers l'exact opposé de ce qu'elle a subi: la beauté.
"Il y a un peu tout dans cette album: les vivants, les morts, les blessés, les amis, ma famille. C'était pour ne plus rien perdre après avoir tout perdu. Le dessin m'a permis d'une certaine manière de ressusciter mes amis".
"J'étais moi-même dans le désordre, et dans l'album je récolte petit à petit des fragments de moi-même", confie la dessinatrice, qui explique que la couverture de l'album est son premier dessin après le drame de Charlie, sa première "échappée hors du monde".
Je ne peux plus retourner à la rédaction de Charlie Hebdo, ça m'émeut beaucoup.
Pas de colère
Malgré les événements barbares de Charlie Hebdo, Catherine Meurisse dit ne pas avoir ressenti de colère. "Je ne la ressens d'ailleurs toujours pas. C'est plutôt la lenteur et la douceur qui m'intéressent. Mais comme la colère est un des moteurs du dessin de presse, je le délaisse".
Même si l'artiste publie toujours un strip apolitique dans le magazine satirique, elle l'envoie chaque semaine par mail. "Je ne peux plus retourner à la rédaction, ça m'émeut beaucoup trop".
sbad