Montreux Jazz, Paléo, Festi'Neuch, Rock Oz'Arènes, Caribana, Gampel, pour ne citer qu'eux: les festivals musicaux de l'été sont de plus en plus nombreux en Suisse romande. Avec des budgets parfois très conséquents, ceux-ci s'organisent comme des entreprises, note TTC lundi.
L'exemple de Festi'neuch est édifiant, comme le montre l'enquête de la RTS. La manifestation avait réuni 2500 curieux lors de sa première édition il y a 12 ans. Cette année, 45'000 festivaliers se sont rassemblés en quatre jours aux Jeunes-Rives à Neuchâtel, une fréquentation record.
Merci les bénévoles!
Le rendez-vous neuchâtelois fonctionne en grande partie grâce à des bénévoles, comme tous les festivals en Suisse, remarque Marc Chapatte, l'un des seuls salariés de Festi'neuch. "Sans le bénévolat, ce serait impossible", assure le chef des infrastructures, employé à 20%.
Car les coûts de l'organisation d'un tel événement sont très importants. A Neuchâtel, les charges liées aux infrastructures, comme la location des tentes et du matériel de son et lumière, représentent 20% du budget total, soit plus de 500'000 francs.
Les autres charges se répartissent entre les frais d'administrations (14%), le coût des boissons (11%) et les frais divers comme l'accueil et la sécurité (19%). Restent enfin les cachets des artistes, qui engloutissent à eux seuls 36% du budget.
Des cachets qui atteignent des sommets
Sur ce point, même si les chiffres restent très confidentiels, certaines fuites permettent de se faire une idée des cachets versés aux artistes. Selon une liste publiée en 2014 par le site Priceonomics, il faut débourser un million de dollars pour Madonna et 750'000 dollars pour Adele.
Au final, si les cachets augmentent, c'est aussi que les festivals sont prêts à proposer de telles sommes
Des chiffres qui ne cessent d'augmenter. "Beaucoup expliquent cette inflation par la chute des ventes d'albums et le besoin des groupes de se refaire une santé financière avant tout sur le live", indique Antonin Rousseau, le président de Festi'neuch.
La concurrence acharnée entre les festivals - il y a en a environ 200 en Suisse durant l'été - joue aussi un rôle important, permettant aux groupes de faire monter les enchères. Pour Festi'neuch, la limite maximale se situe autour de 200'000 euros, précise le Neuchâtelois.
Côté recettes, des hauts et des bas
Avec un budget de 3,3 millions de francs, Festi'neuch se place dans la moyenne des festivals romands, à un niveau comparable à Rock Oz'Arènes, mais très loin des deux géants que sont le Paléo (25 millions) et le Montreux Jazz Festival (28 millions).
Cette année, les rentrées financières ont permis au festival de couvrir les charges, et même peut-être un peu plus. Les recettes proviennent à 55% de la billetterie, à 26% des stands, bars et restaurants, à 14% du sponsoring et à 5% des subventions.
"Les bonnes années nous permettent de constituer un fonds de provisions pour les années les plus difficiles", à l'instar de l'édition 2013 qui avait souffert de quatre jours de pluie, explique Antonin Rousseau.
L’avenir de Festi'neuch ne semble donc pas menacé. Au contraire du Caribana de Crans-sur-Nyon ou de Rock Oz'Arènes à Avenches, dont le destin semble incertain. Et certains festivals ont même disparu, comme le Bex Rock Festival, victime notamment de la météo.
La prélocation, assurance (pas) tous risques
Pour se prémunir, les festivals misent beaucoup sur les prélocations, qui jouent un rôle de garantie en cas de mauvais temps. Cette année, Festi'neuch était ainsi "sold out" trois jours sur quatre avant son ouverture.
Même si le stade est plein, le match n'est pas joué
Les prix des billets ont d'ailleurs pris l'ascenseur un peu partout ces dernières années. En moyenne, ils ont augmenté de 33% en cinq ans, conséquence non seulement de la hausse des cachets, mais aussi de l'explosion des frais de production et de décoration.
Pourtant, "même si le stade est plein, le match n'est pas joué", dixit Daniel Rossellat, président et fondateur du Paléo. Autrement dit, les ventes de billets ne signifient pas que les rentrées seront suffisantes.
Les recettes des bars et restaurants sont en effet absolument cruciales pour l'équilibre financier d'un festival. Or, ces revenus sont eux très liés aux conditions météorologiques.
Aline Inhofer et Didier Kottelat
Les retombées économiques des festivals
Outre leur apport culturel, les festivals jouent un rôle économique non négligeable au niveau régional. A Montreux par exemple, les répercussions dans les hôtels se font sentir "dès la sortie du programme du Jazz", reconnaît Estelle Mayer, la président de la société des hôteliers Montreux Vevey.
Chaque année, les hôtels de la région connaissent un pic de fréquentation durant le festival. Au total, on comptabilise quelque 55'000 nuitées durant les deux semaines de la manifestation.
Et avec 250'000 visiteurs qui déambulent en ville, il y a du travail pour tout le monde. "Il y a des métiers dont on ne pense pas: fleuristes, peintres, menuisiers" qui participent à la bonne marche du festival, souligne Laurent Wehrli, le syndic de Montreux.
Aux rentrées monétaires directes s'ajoutent les retombées indirectes en termes de renommée et d'ouverture à l'international, ajoute Laurent Wehrli, pour qui le Montreux Jazz Festival est "un outil de promotion inestimable".
Francis Scherly, professeur honoraire à HEC Lausanne, a justement tenté de chiffrer les bénéfices économiques des manifestations culturelles. Il a supervisé une dizaine d'études en la matière.
"Tout festival engendre des revenus pour les salariés et des excédents bruts pour les entreprises, avec à la fin un effet multiplicateur qui sublime les investissements initiaux", indique-t-il.
Ainsi, parmi les événements qui ont eu du succès, plusieurs ont rapporté une fois et demie davantage que ce qu'ils ont coûté. Et pour le Montreux Jazz, vu la taille du festival, c'est même deux fois plus, soit entre 50 et 55 millions de retombées économiques sur la Riviera.