610 pages, 2,4 kilos d’éclats de rire et de traits acérés. Publié cet automne aux éditions du Seuil, "Le Canard Enchaîné, 100 ans, Un siècle d’articles et de dessins" offre une plongée fascinante dans les archives de cet hebdomadaire unique en son genre.
Informer autrement
On y découvre ainsi la double naissance du Canard, en 1915 et 1916, sous l’impulsion de Maurice Maréchal. Dans son premier éditorial, daté du 10 septembre 1915, le fondateur du journal débute par ces mots: "Le Canard Enchaîné a décidé de rompre délibérément avec toutes les traditions journalistiques établies jusqu’à ce jour. (…) Le Canard Enchaîné prendra la liberté grande de n’insérer, après minutieuse vérification, que des nouvelles rigoureusement inexactes."
Comprenez: des nouvelles en rupture avec la pensée dominante et la désinformation en vigueur en ce temps de guerre.
Réunis de manière chronologique, les articles et dessins regroupés dans cet ouvrage s’accompagnent d’un riche appareil critique, offrant de nombreuses mises en contexte et complétant le portrait du siècle offert par le regard caustique des plumes du Canard.
S’en dégage une remarquable constance, faite de fidélités multiples. Fidélité à ses plumes, les auteurs et dessinateurs du Canard ayant à cœur d’y rester le plus longtemps possible. Le trait d’André Escaro, par exemple, qui orne les cabochons et les vignettes de la Mare aux Canards, est présent dans le Canard depuis plus de 40 ans.
Extrait du livre "Le Canard Enchaîné, 100 ans"
Fidélité à sa ligne graphique également, dont certains éléments n’ont pratiquement pas changé en un siècle ("une obsolescence assumée", selon les propos du rédacteur en chef Erik Emptaz).
Fidélité à sa propre histoire, enfin, les générations successives qui jalonnent l’histoire du journal se passant le témoin avec un sens aigu de la continuité. En 100 ans d’existence, Le Canard Enchaîné n’a ainsi connu que quatre directeurs.
L'hiatus de l'Occupation
Seul hiatus dans cette existence centenaire, les années d’Occupation, pendant lesquelles le Canard cesse de paraître. Non sans susciter, à l’étranger, de nombreux avatars, à l’image du "Caneton déchaîné", imprimé en Angleterre.
Pour symboliser cette éclipse, le livre du centenaire offre, en lieu et place de ces années-là, "Le Roman du Canard", une chronique savoureuse du romancier Patrick Rambaud. De l’Affaire Landru aux diamants de Giscard, de Stavisky à Sarkozy, le livre-anniversaire du Canard est avant tout l’histoire d’un regard, d’une saine attitude revendiquée dès l’origine par le fondateur du titre.
Mon premier mouvement quand je vois quelque chose de scandaleux, c’est de m’indigner; mon second mouvement est d’en rire: c’est plus difficile, mais plus efficace.
Mon premier mouvement quand je vois quelque chose de scandaleux, c’est de m’indigner; mon second mouvement est d’en rire: c’est plus difficile, mais plus efficace.
Nicolas Julliard/mcc