Les décolletés les plus vertigineux du cinéma

Grand Format

Riama Film / Archives du 7eme Art / Photo12

Introduction

Tour d'horizon et décryptage des cinq plus affolants dos nus du cinéma.

Le dos

Pourquoi le dos? Parce qu'on ne se voit pas de dos, que notre dos nous échappe, parce qu'on oublie qu'il est nu, notre dos, et qu'il est non seulement vertigineux, mais bon et franc. Comme un aveu, une confession, une révélation, un secret surpris – les dos nus avouent toujours, on leur pardonne bien plus qu'aux seins.

Le dos? Parce que la main s'y promène au large, comme un marcheur dans une plaine à l'infini, sans les monts des seins ni le val qui court entre les fesses pour freiner son chemin. Parce qu'il encourage la caresse généreuse. Ou au coup de poignard. Parce qu'il n'y a pas que la bête à deux dos, dans la vie du lit, et qu'il invite aussi, le dos, aux assauts par (le) derrière. Parce qu'il y a toujours un moment où ses omoplates se mettent à saillir (si, saillir, et honni soit qui mâle y pense) et que cette façon qu'ont les omoplates de surgir pointues sous la peau du dos, rappelle les dos des petites filles et des petits garçons que nous sommes restés. Parce qu'il est beau, poil au dos, et qu'il y a des gens pour aimer ça, les dos d'ours de velours.

>> À voir, "La Puce à l'oreille" du 2 mars 2017 avec Pierre Richard :

Pierre Richard et Makala
La Puce à l'Oreille - Publié le 2 mars 2017

Le dos, aussi, parce que Pierre Richard joue à Monthey, sur la scène du Crochetan, "Petit éloge de la nuit" jusqu'au 3 mars, avant de reprendre ce texte d'Ingrid Astier à Mézières, sur la scène du Jorat, les 20 et 21 avril.

Parce que le comédien français était sur le plateau de "La Puce à l’oreille" et qu'il y a commenté, pour les invités d'Iris Jimenez, la fameuse scène du "Grand Blond avec une chaussure noire" où il découvre Mireille Darc côté pile, et qu'il en a le souffle coupé – et le sifflet aussi, momentanément, on l'espère pour lui, rapport au bruit de bébé qu'il émet devant la chute des reins de la blonde ingénue.

Mireille Darc, "Le Grand Blond avec une chaussure noire" (Yves Robert, 1972)

Pierre Richard est invité à boire un dernier verre chez Mireille Darc. Celle-ci le reçoit de face, dans sa robe sage qui lui couvre le buste et les bras. Et soudain, elle se retourne…

N'y allons pas par quatre chemins, voulez-vous? Ici, ce qui importe, ce n'est pas le décolleté, mais son aboutissement, sa finalité, sa profondeur (de vue). Ce dos n'est pas une révélation, mais une promesse. Il est sublime et long, ce dos, mais tout ce qu'on voit, c'est le gonflement de deux petits monts tout en bas, et la vallée qui s'ouvre entre eux – on dirait la naissance de deux seins. Ce n'est donc pas seulement un dos ingénu, mais un dos profondément ingénieux. À propos de seins, vouons-nous à ceux de Mireille Darc, car ils sont pour beaucoup, ces deux-là, dans la naissance de cette robe décolletée du verso.

Mireille Darc dans "Le grand blond à la chaussure noire"

Au départ, le couturier Guy Laroche avait imaginé une robe décolletée sur le devant. Mireille Darc lui objecte qu'elle n'a pas assez de seins pour faire, dit-elle joliment, "rêver les gens". Elle lui demande donc une robe affolante par-derrière.

"Nous faisions les essayages. Guy Laroche a commencé à couper le tissu, je lui disais: "plus bas, plus bas, continue, encore". C’est quand j’ai vu rougir son assistante que j’ai su que cela commençait à devenir intéressant".

Mireille Darc, actrice

Notons que le réalisateur du film avait interdit à Pierre Richard de voir Mireille Darc avant la prise de vue, histoire de maintenir l'effet de surprise et pour que le comédien découvre "en live" le décolleté vertigineux de l'actrice. Enfin, soyons juste, ce dos sublimement nudiste ne serait rien sans le contraste offert par le devant de la robe ni ses manches, eux couverts et pudiques. Conclusion de cette histoire aussi profondément échancrée que morale: ce n’est pas la nudité qui fait perdre la raison, mais le déshabillé.

Rita Hayworth, "Gilda" (Charles Vidor, 1946)

Partout où elle passe, Gilda met le feu aux cœurs. Dans le casino de son mari, face au public, elle entame une danse endiablée durant laquelle retire ses gants tout en chantant lascivement "Je n’y peux rien, maman". Elle ne croit pas si bien dire…

2011. Gilda [RTS/MGM/Sony Pictures]
2011. Gilda [RTS/MGM/Sony Pictures]

Ce dos excitant, c'est le double inversé du dos de Mireille Darc décrit ci-dessus. À tous points de vue. À commencer par celui du spectateur voyeur.

En effet, Gilda effectue son fameux "strip-tease des bras", face au public et face à la caméra. Sans jamais se retourner ni montrer son dos.

Ce n'est qu'à la fin, lorsqu'elle esquisse une forme de révérence, qu'on aperçoit son dos, à la dérobée.

Croyez-le, c'est lui, la plus belle surprise de ce numéro. Autant de face, Gilda-Rita est bestiale, fatale et ravageuse, autant son dos, lui, est rond, chaud, innocent comme un petit pain qui fleure encore le lait. C'est un dos aveu de vulnérabilité.

Côté face, Gilda est une diablesse. Côté pile, une communiante à confesse. Le dos de Mireille Darc était une invitation. Celui de Rita Hayworth est un lapsus.

Audrey Hepburn, "Breakfast at Tiffany's" (Blake Edwards, 1961)

En attendant de se trouver un mari, Molly organise des fêtes démentes dans son appartement. Pour chasser son spleen, elle se promène chez le bijoutier Tiffany’s. La scène se passe au petit matin, devant sa vitrine, Molly mange un croissant dans le soleil levant…

Audrey Hepburn dans le film de Blake Edwards, Breakfast at Tiffany's (1961). [Archives du 7eme Art / Photo12]
Audrey Hepburn dans le film de Blake Edwards, Breakfast at Tiffany's (1961). [Archives du 7eme Art / Photo12]

Attention, ceci n'est pas un dos. Ceci est un texte. Ce dos est recouvert par trois rangs de grosses perles comme le serait un discours amoureux par des figures de style – elle parle tout le temps, d'ailleurs, l'héroïne de ce dos, c'est son vrai drame, sa vraie beauté, comme toujours dans les romans de Truman Capote.

Mais revenons à ce dos habillé par Hubert de Givenchy. Regardons Audrey-Molly s'en aller dans New York miraculeusement endormie. Son taxi jaune comme une citrouille l'a laissé échouer là, devant la vitrine aux alouettes. Elle marche à petits pas. Elle est une déesse surprise par l'aube aux doigts de rose, elle s'en va nonchalamment reprendre sa pose de Cariatide. Dans son dos, la découpe de sa robe lui dessine deux ailes d'ange pur. Devant elle, tous les matins du monde. Derrière, un dos brave, même pas nu. Et nous, soudain, on a envie de pleurer.

Marilyn Monroe, "Sept ans de réflexion" (Billy Wilder, 1955)

Il fait très chaud. Richard est seul en ville, sa femme est partie en vacances. Richard s’intéresse à sa voisine blonde. Ils vont au cinéma. Elle s’arrête sur une bouche de métro…

Bien sûr, tout le monde regarde ses jambes affolantes, sa culotte-combinaison de soie ivoire, ses seins déjà lourds qui semblent peser sur sa nuque de biche plus si innocente, le petit nœud de satin, sur la gauche de sa taille, posé là comme pour dire qu'il suffirait qu'on tire dessus pour que toute la robe s'envole. Tout le monde ne regarde que ça. Sauf l'homme qui l'accompagne, ce dadais pas si bobet.

L'image culte de Marilyn Monroe et Tom Ewell dans le film de Billy Wilder "Sept ans de réflexion"(1955). [Archives du 7eme Art / Photo12]
L'image culte de Marilyn Monroe et Tom Ewell dans le film de Billy Wilder "Sept ans de réflexion"(1955). [Archives du 7eme Art / Photo12]

Lui, pendant que Marilyn écarte les jambes et s'offre à une bouche de métro métaphorique, il regarde surtout son dos. C'est qu'il a des choses à cacher, des rêves moites à dissimuler par-devers lui, ce dadais pas si bobet. Alors il regarde ce qui se dissimule derrière Marilyn, son dos enfoui, caché. Pas parce que ce film raconterait une histoire de levrette sur une bouche de métro. Mais parce que le sujet de ce long-métrage, c'est la psychanalyse et ses ravages.

Nous, de face, nous voyons le côté sexy de Marilyn. Lui, qui scrute son dos, il pénètre sa dimension sexuelle.

Anita Ekberg,"La Dolce Vita" (Federico Fellini, 1960)

Anita est une star adulée mais méprisée par son compagnon. Mastroianni joue un écrivain raté devenu journaliste people. Ils s’échappent dans le dédale de Rome. Elle saute dans la Fontaine de Trevi.

Anita Ekberg dans "La Dolce vita" de Federico Fellini. [Riama Film / Archives du 7eme Art / Photo12]
Anita Ekberg dans "La Dolce vita" de Federico Fellini. [Riama Film / Archives du 7eme Art / Photo12]

Qu'est-ce que c'est bavard, un dos nu au cinéma. Qu'est-ce que ça conte! Celui-ci, écoutons-le voir… Ce dos-ci n'est pas un dos, c'est un toboggan roulant vers la chute (celle des reins, celle de Rome aussi). Ce dos décolleté est une dégringolade, une glissade soulignée par les seins remontés comme des obus agressifs. Les cheveux d'Anita Ekberg s'écoulent en cascade, l'eau de la Fontaine de Trevi ruisselle, et ce dos dessiné par la robe noire s'effondre, se dérobe, dévale sa pente.

Les seins d'Anita Ekberg disent la vie. Mais son dos sait déjà que tout est en train de finir, la fête, Rome, la nuit, les illusions. Ce dos plantureux et déjà las dit le contraire du dos si confiant d'Audrey Hepburn. Le dos d'Anita a la peau douce et il pleure la dolce vita. C'est un dos-plainte. Un dos-sanglot. Un dos qui donne l'envie de faire l'amour avant de dire adieu. Un dos qui dit "Adio".

Crédits

Une proposition de Stéphane Bonvin pour RTS Culture

Réalisation web: Lara Donnet