Avec "Marx et la poupée" (éditions Le nouvel Attila), Maryam Madjidi, qui vient de décrocher un Goncourt du premier roman bien mérité, signe un texte très novateur sur le plan littéraire. L’autrice raconte sa vie et celle de ses parents, militants de gauche partis d’Iran quelques années après la révolution islamique, avec leur petite fille alors âgée de huit ans. Elle se souvient dans le désordre des mois qui ont précédé le départ, de l’installation à Paris, de sa petite école, de son quotidien de lycéenne et d’étudiante.
Un collage de souvenirs
Maryam Madjidi se refuse à écrire un récit linéaire, nous offrant plutôt un collage de scènes, souvenirs, poésies, contes et légendes, mais aussi analyse psychanalytique et même essai politique. Dans un patchwork de courts chapitres, Madjidi liste les différentes problématiques que doit affronter un exilé. Se succèdent des anecdotes sur la vie en Iran quand sa mère enceinte participe à des manifestations au moment de la révolution islamique et doit sauter d’un deuxième étage pour échapper aux forces de l’ordre, l’histoire de son jeune oncle emprisonné à dix-neuf ans.
Ses terreurs d'enfant
Madjidi se souvient aussi de ses terreurs d’enfant. Pointant avec à propos les failles du modèle français d’intégration, elle raconte aussi les mille vexations qu’elle additionne dans un pays où il se trouvera toujours quelqu’un pour lui faire remarquer qu’elle n’est pas une vraie Française, quand un autre s’extasiera naïvement sur son exotisme. Madjidi refuse pourtant de s’apitoyer sur son sort et regarde sa famille sans complaisance. En plus, elle se paie le luxe d’être drôle.
Une histoire de langues
Mais son histoire est aussi une histoire de langues, le persan appris et oublié, le français découvert à l’école. En refusant la linéarité chronologique pour son récit, Madjidi traduit la complexité de sa vie d’exilée, ses errements entre Paris et l’Iran. Avec la volonté de se souvenir de tout ce dont elle a été témoin: "Je déterre les morts en écrivant".
Sylvie Tanette/aq