Faire d'apprentis terroristes les héros d'une fiction est déjà controversé en soi. Mais les rendre attrayants et sympathiques, c'est moralement très dérangeant. "The State", une série en quatre épisodes produite par Channel 4, a provoqué une vive réaction chez certains médias britanniques, qui ont jugé cette fiction trop glamour, rapporte l'émission Tout un monde de la RTS.
Le tabloïd Daily mail a d'ailleurs comparé la pensée sophistiquée du personnage à de la propagande nazie, et a accusé la scénariste de faire l'apologie du groupe Etat islamique. Il faut préciser que le premier épisode de la série a été diffusé Outre-manche cinq jours seulement après l’attentat de Barcelone.
Il est vrai que les acteurs, deux hommes et deux femmes, sont beaux, bien habillés, propres, soignés, intelligents. Les hommes sont plutôt doux et les femmes rebelles. Ils ne semblent pas souffrir des conditions précaires sur le terrain.
"Excitation"
Le regard critique est présent tout le long du récit, on sait où se situe la morale de l’histoire. Mais il est vrai que certains passages montrent le djihad comme une expérience gratifiante et positive, car ils épousent le point de vue des protagonistes. C'est surtout le cas au début de leur voyage, lorsque le sentiment d’euphorie est très présent.
"Ce qui est apparu très clairement dans nos recherches, c’est que lorsque ces gens arrivent là-bas, l’excitation est très forte, il y a soudainement un sentiment d’appartenance. Des gens, qui ne sentaient jamais vraiment à leur place dans la société occidentale, ont soudainement l’impression d’avoir rejoint une communauté de frères et de sœurs d’armes", explique le réalisateur Peter Kosminksy, qui s'est basé sur les témoignages de vrais djihadistes.
Les personnages de la série sont en effet emportés par une sorte d’élan jubilatoire, mais vont progressivement déchanter. Et les téléspectateurs ne sont pas épargnés par les scènes d’horreur: femmes battues, décapitation en pleine rue, vente d’esclaves sexuelles… "The State" montre le quotidien de la terreur institutionnalisée.
Catherine Illic/jvia