Connu pour son hédonisme, ses fêtes, sa polygamie, son manoir-bureau, son sens de la provocation, Hugh Hefner, fondateur de Playboy et metteur en scène de son personnage, est devenu une icône de la culture pop. Et son petit lapin, un emblème commercial immédiatement identifiable.
Homme de presse, il a également révolutionné le monde des magazines en mélangeant photos de charme et entretiens fleuve, de Fidel Castro à Martin Luther King, de Nabokov à Kerouac.
Féministe ou antiféministe?
Que sait-on d'autre? Qu'il fut un défenseur des droits civiques, notamment des Noirs, et un inconditionnel de la liberté d'expression. Il se défendait en revanche d'être misogyne ou anti-féministe. "Avec Playboy, nous avons poussé à une révolution sexuelle dont les femmes sont les premières à bénéficier.
>> A lire aussi : Le magazine Playboy publiera à nouveau des photos de femmes nues
Dans l’histoire, elles étaient perçues comme les descendantes de Eve, responsables du péché original, du péché sexuel, de la tentation. Nous avons offert plusieurs millions de dollars pour changer les lois sur l’avortement et la contraception qui à l’époque où j’ai créé le magazine était encore interdite dans certains Etats américains", déclarait-il volontiers dans Paris Match.
Son pyjama, une signature
Figure ambiguë, le libertin libéral, issu d'une famille méthodiste, a fait l'objet d'une thèse passionnante en 2010: "Pornotopie", signée de la philosophe espagnole Beatriz Preciado, leader du mouvement queer, devenue depuis Paul Preciado.
Pour cette émule de Michel Foucault, la révolution Hefner, c'est surtout d'avoir bouleversé l'espace domestique, laissé jusqu'ici aux maîtresses de maison. Moins pour émanciper les femmes que pour inventer une nouvelle masculinité.
Ce nouvel espace, le business man le reconstruit contre le modèle traditionnel du père de famille des années 50. Hefner détestait l'institution du mariage, se moquait de la sexualité à seul but reproductif, collectionnait les conquêtes, vivait avec elles, aimait les gadgets technologiques et revendiquait son statut d'homme d’intérieur. De son pyjama, il a fait une signature.
Sa maison multimédia
En 1959, la construction de la première Playboy Mansion, permet à Hefner de matérialiser tous ses fantasmes: une immense terrasse aménagée comme une chambre, une cuisine sans équipement électroménager ou encore le fameux lit tournant. Preciado parle "de bordel multimédia".
C'est effectivement allongé sur son lit géant qu'Hefner conçoit le magazine, reçoit, vit, limitant au maximum ses déplacements. Autour de lui, hormis ses "bunnies", il y a la radio, la télé, le fax et un système d'enregistrement vidéo. En installant son bureau dans sa chambre, ou sa chambre dans son bureau, il amorce l'idée du travailleur moderne, flexible, sollicité en permanence et jamais complètement au repos.
Mais par son mode de vie et de travailler, Hugh Hefner fut aussi le premier à brouiller les frontières entre sphères privée et publique, préfigurant ainsi l'esprit des réseaux sociaux. D'ailleurs Preciado voit une filiation direct entre Hugh Hefner et le patron de Facebook, Mark Zuckerberg.
Marie-Claude Martin