#BalanceTonPorc, c'est le hashtag sur lequel des femmes de tout âge, de tout milieu social, de toute origine racontent depuis deux jours le harcèlement sexuel dont elles ont été victimes. Et beaucoup de ces tweets concernent le monde des médias.
En plein open space, un journaliste passe en revue les femmes de la rédac': "elle, j'la baise, elle, elle a un super cul".
Qui sont ces femmes?
Consoeurs journalistes, stagiaires, pigistes, invitées de journaux TV, d'émission radios, de débats... toutes racontent, à visage découvert, c'est à dire non pas sous des pseudonymes mais avec leurs vrais noms, ce qu'elles ont vécu. C'est cru, c'est moche, c'est dégueulasse, c'est même violent parfois. Ces témoignages de harcèlement sexuel sont retweetés par un compte qui s'appelle "Prenons la UNE". Il s'agit d'une association française de journalistes femmes qui vise, entre autres, à une juste représentation des femmes dans les médias.
Libérer la parole
Pour Loren Bastide, une des porte-paroles de cette association, ces témoignages sont très importants. Elle les a lus, continue de les lire mais ne tombe pas de sa chaise en les découvrant. Le "tout le monde sait que cela se passe comme ça" n'est pas réservé qu'à l'affaire Weinstein. "La parole qui se libère en public, sur Twitter, ça par contre c'est nouveau et c'est la preuve que quelque chose est en train de se passer, de changer."
La honte est en train de changer de camp.
Une inversion des forces
Même si c'est humiliant, les femmes n'ont plus honte de rapporter ce qui leur est arrivé. Parmi elles, beaucoup de journalistes tweetent pour dénoncer le harcèlement sexuel. Ce phénomène peut être expliqué par le fait que les rédactions, les émissions TV, radios et les journaux, sont souvent dirigés par des hommes, avec des équipes de rédacteurs en chefs adjoints ou de management, souvent à majorité masculine. Cela ne veut pas dire qu'ils sont tous obsédés sexuels, sans limites et sans respect pour les femmes. Mais cela pose un climat.
Terrain préparé
Si Loren Bastide partage cet avis, elle pense également que si les femmes journalistes prennent la parole aujourd'hui, c'est que le terrain a été préparé. Par exemple, il y a un an environ, le collectif "Bas les pattes" avait dénoncé le comportement d'hommes politiques vis à vis des femmes journalistes.
Toutes ces prises de paroles qui ont lieu récemment contribuent à libérer cette parole et j'espère que cela aura lieu dans d'autres milieux aussi.
Des réactions parfois violentes
Malheureusement, qui dit prise de parole sur les réseaux sociaux dit souvent "trolling" et réactions violentes. Les femmes qui témoignent sur le hashtag #BalanceTonPorc se voient certes soutenues mais s'en prennent aussi plein la figure depuis 48 heures. On appelle cela du cyberharcèlement. C'est un sujet sensible. Raison aussi pour laquelle l'association "Prenons la UNE" conseille aux femmes qui s'expriment de ne pas directement citer de noms, sauf si on porte plainte en parallèle. Elles peuvent autrement être accusées de diffamation et subir des conséquences assez graves.
La tentation de la délation
Il est vrai que ce #BalanceTonPorc peut inciter des femmes ou des hommes à verser dans la délation. Très peu de noms néanmoins ont été livrés publiquement sur les réseaux sociaux depuis le lancement de ce hashtag par la journaliste Sandra Muller. Depuis les USA où elle habite, cette dernière suit très attentivement ce qui se dit autour de son initiative dont elle ne pensait pas qu'elle engendrerait autant de tweets et de réactions. Elle espère désormais que les législateurs empoignent vraiment de ce sujet.
Je voudrais que ça bouge au niveau de la législation, que les contrevenants se fassent plus pénaliser [...] certains patrons laissent faire et ferment les yeux.
À noter qu'en Suisse, c'est le hashtag américain #MeToo qui semble fédérer les témoignages des femmes sur les réseaux sociaux.
Magali Philip/mg