La première apparition de Johnny Hallyday sur grand écran remonte à 1955. Il a douze ans et fait une figuration derrière Simone Signoret dans "Les Diaboliques", d'Henri-Georges Clouzot. Il réapparaît ensuite, adolescent, dans le film à sketchs "Les Parisiennes", où il donne la réplique à une autre débutante, Catherine Deneuve.
Avec sa belle gueule de gentil mauvais garçon et ses alertes déhanchés, la France voit en lui l'Elvis Presley hexagonal. Deux comédies musicales viendront asseoir son statut de nouvelle icône de la chanson française: "Cherchez l'idole" et "D'où viens-tu Johnny?".
Mais c'est en 1967, avec le film "A tout casser", dont il compose la musique originale, qu'il révèle un véritable talent de comédien. Johnny aime le cinéma, mais la musique, maîtresse exigeante, l'accapare.
Jouer avec les stars
Au coeur des années 80 pourtant, alors qu'il souhaite casser son image, Johnny dit oui à Jean-Luc Godard. Le couple est improbable mais on sait que le Rollois adore faire tourner les stars. Pour défaire leur mythologie autant que pour obtenir de meilleurs financements. Ce sera "Détective" où Johnny joue le rôle d'un organisateur de combats de boxe aux côtés de sa partenaire de l'époque, Nathalie Baye.
Appliqué à bien faire, Johnny verra tous les films de Godard, lequel rendra ainsi hommage à son acteur: "Il écoute le son, aucun acteur n'écoute le son."
L'expérience est concluante et Johnny enchaîne avec "Conseil de famille" de Costa-Gavras, autre signature "art et essai". La décennie 80 se termine sur un échec, "Terminus".
Jouer de son âge
Par la suite, plutôt que d'aller contre son image, le chanteur va la mettre en scène, souvent avec humour ou ironie. Dans "Love me" de Laetitia Masson, il incarne unes vieille gloire du rock qui ne croit plus en l'amour. Dans une tirade en contre-point du célèbre "Mépris" de Godard, il dit à Sandrine Kiberlain: "Je n'aime pas votre nez, votre bouche, vos yeux, vos cheveux. Je n'aime pas votre corps. Je n'aime rien de vous".
Dans "Pourquoi pas moi", il joue un vieux torero à la retraite et dans "L'Homme du train" de Patrice Leconte, un braqueur rangé des voitures qui s'éprend d'amitié pour un professeur à la retraite. On se souvient de ce dialogue mémorable entre lui et Jean Rochefort:
- Je peux vous demander quelque chose?
- Bien sûr.
- Vous pourriez me prêter des pantoufles?
- Pourquoi, vous avez mal aux pieds?
- Non, je n'en ai jamais portées...
En 2009, l'ensemble de la critique salue son jeu à la fois élégant et austère de tueur dans "Vengeance" du maître asiatique Johnny To.
Jouer de son image
Poussant toujours plus loin son étiquette de star, Johnny se parodie dans "Jean-Philippe", aux côtés de Fabrice Luchini. Il y incarne Jean-Philippe Smet, son vrai nom, dans un monde où Johnny n'existe pas. Il est d'une folle drôlerie dans "Rock N Roll" (2017) de Guillaume Canet où de sa voix Gitane il regrette que soit devenu "ringard de péter une chambre d'hôtel" alors qu'il se cache pour fumer, pour ne pas se faire gronder. Toujours en 2017, dans "Chacun sa vie", de Claude Lelouch, il donne la réplique à ses sosies.
Lelouch, qui a fait tourner plusieurs fois Johnny, notamment dans "L'Aventure c'est l'Aventure" avec Jacques Brel et "Salaud on t'aime" avec Eddy Mitchell, résume ainsi son plaisir à travailler avec lui: "La gueule de Johhny, c'est un roman!"
Marie-Claude Martin