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A la recherche du Coran écrit avec le sang de Saddam Hussein

Emmanuel Carrère. [Effigie/Leemage]
L'épopée d'Emmanuel Carrère à la recherche du coran écrit avec le sang de Sadam Hussein / Tout un monde / 5 min. / le 8 août 2018
L'écrivain Emmanuel Carrère, membre du jury de Locarno, est parti avec le journaliste Lucas Menget en Irak pour mener l'enquête sur ce livre écrit avec le sang du dictateur. Retour sur une folle histoire qui n'est pas une légende urbaine.

L'écrivain et réalisateur Emmanuel Carrère, actuellement à Locarno où il officie comme membre du jury du festival, s'est intéressé à la dernière folie de Saddam Hussein quand il était au pouvoir: un Coran écrit sur plusieurs mois avec son propre sang, soit 24 litres, pour copier 114 sourates en présence d'un calligraphe qui devait s'exécuter sous la menace!

Le coran a disparu

Cette histoire folle a été publiée en juillet dans la revue XXI. Elle a été coécrite avec Lucas Menget, directeur-adjoint de la rédaction de France Info et grand connaisseur du Moyen-Orient. L'auteur d'"Un Roman russe" explique pourquoi le président irakien, renversé en 2003 par l'armée américaine et exécuté trois ans plus tard, s'est engagé dans une telle entreprise.

Vers la fin des années 90, son fils ayant échappé à un attentat, Saddam Hussein fait ce voeu bizarre pour remercier le ciel.

Emmanuel Carrère, écrivain et réalisateur

Par la suite, le coran est déposé dans une mosquée de Bagdad. Mais avec l'arrivée des Américains et le chaos qui a suivi, le livre disparaît. Il est probablement en Arabie saoudite.

Au début, j'ai cru à une légende urbaine mais l'existence de ce coran ne fait aucun doute.

Emmanuel Carrère

Acte blasphématoire, contraire à l'Islam, cet objet témoigne de la folie des grandeurs de Saddam Hussein. Mais aussi de son délire mystico-politique, lui qui pensait ainsi s'attirer une aura religieuse et exister sur la scène de l'islam.

Double regard

Si les deux auteurs n'ont pas retrouvé le livre, ni le calligraphe, ils envisagent déjà une suite en Arabie saoudite. Car pour Emmanuel Carrère comme pour Lucas Manget, ce coran est un formidable objet d'études. A la fois sur l'Irak d'hier et d'aujourd'hui, et sur l'impact de la religion dans le monde.

Lucas, qui vient très souvent à Bagdad, a constaté qu'on pouvait désormais se promener dans la rue, certes, avec un chauffeur garde du corps, mais quand même! La ville tente de revivre, de se ré-inventer après la guerre.

Emmanuel Carrère

La foi et sa propagation

Pour Emmanuel Carrère, cette histoire où l'écriture et la violence se mêlent à la religion rappelle un autre de ses récits, "Royaume", où l'auteur imaginait les origines de la chrétienté en se concentrant sur les personnages et les écrits de Paul et Luc.

Le Coran de sang de Saddam Hussein devient ainsi une source d'inspiration pour cet écrivain fasciné par la foi dans le monde et les récits incroyables qui accompagnent sa propagation.

Propos recueillis par Sophie Iselin/mcm

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