Liu Bolin est né en 1973 dans l'est de la Chine, il est diplômé de l'Ecole des Beaux-Arts de Pékin, ville où il réside aujourd'hui. En 2005, le gouvernement chinois détruit le village d'artistes dans lequel il travaille.
En guise de protestation, Liu Bolin se met debout devant les ruines et demande à un assistant de le peindre afin qu'il se confonde avec ce qui reste de son atelier. "Il voulait montrer qu'il ne faisait qu'un avec son atelier, que l'on ne peut pas séparer les deux choses, et que si l'on détruit son environnement, on le détruit lui aussi", explique au 19h30 Marc Donnadieu, conservateur en chef du Musée de l'Elysée et commissaire de l'exposition.
Dénoncer la négation de l'identité
Cette performance marque le début du travail de dissimulation de Liu Bolin, et depuis 13 ans, il choisit de se dissoudre dans des environnements qui posent question, pour dénoncer à sa manière la négation de l'identité dans la Chine contemporaine.
Ses performances sont réalisées sans aucun trucage numérique. Un costume d'ouvrier. Des assistants. De la peinture. Et des heures de patience. "Cela dépend de l'arrière-plan que je choisis. S'il est plutôt simple, la photo peut être réalisée en trois ou quatre heures, avec deux ou trois peintres et un photographe. Par contre si l'arrière-plan est compliqué, cela peut prendre jusqu'à trois ou quatre jours", affirme Liu Bolin.
"Un regard sur la Chine totalement nouveau"
Liu Bolin est un artiste engagé qui met en relief l'impuissance face au pouvoir chinois, le saccage de l'environnement urbain, l'hyperconsommation, les dégâts écologiques. "Plus il disparaît, et plus on va le chercher dans l'image et plus on va faire attention à chaque contexte, et on découvre un regard sur la Chine totalement nouveau et qui déjoue tout ce qu'on sait au départ. Peu de personnes sont par exemple conscientes des destructions écologiques en Chine", analyse Marc Donnadieu.
La photo des pandas vaut à elle seule la visite. Les pandas disparaissent et ne sont aujourd'hui plus que des peluches qui se vendent par milliers. Et Liu Bolin, lui, disparaît dans les pandas qui disparaissent…Vertigineux.
Un jeu de cache-cache fascinant et troublant, allez-y et amusez-vous par exemple à chercher la seule photo sur laquelle Liu Bolin a les yeux ouverts.
Martina Chyba
>> Liu Bolin, "Le Théâtre des apparences", à voir au Musée de l'Elysée à Lausanne jusqu'au 27 janvier 2019