Le musée Jacquemart-André se situe légèrement en retrait du boulevard Haussmann qui fut le théâtre, ces dernières semaines, des affrontements entre gilets jaunes, casseurs et forces de l'ordre. Une violence qui n'est pas étrangère au Caravage (1571-1610), dont la vie dissolue, faite de bagarres (dont une aboutira à la mort de son adversaire) et de fréquentations interlopes, fait écho à son oeuvre puissante, novatrice, charnelle, qui a révolutionné la peinture du XVIIe siècle.
La visite s'ouvre d'ailleurs sur une série de décapitations qui portent à son acmé le clair-obscur vigoureux de Michelangelo Merisi, surnommé Caravaggio, le nom du village lombard où lui et sa famille ont trouvé refuge pour échapper à la peste qui sévissait à Milan.
L'exposition se concentre sur une ville, Rome, où le peintre connaîtra son apogée aux alentours de 1600. Le Caravage a beau fréquenter les bas-fonds de la capitale - ses modèles sont des prostituées ou des mauvais garçons - il entretient aussi des relations étroites avec l'élite, l'aristocratie ou l'Eglise. Le marquis Giustiniani et le cardinal Francesco Maria del Monte sont ses deux principaux mécènes. "Les commandes de l'Eglise ont deux avantages: elles sont très bien payées et, surtout, elles peuvent êtres vues de tous", explique Pierre Curie, directeur du musée Jacquemart-André, à Paris.
La Rome de la première partie du XVIIe siècle est alors en pleine effervescence artistique. Tous les grands peintres s'y donnent rendez-vous, de Vélasquez à Poussin, et trois tendances s'y dessinent, le réalisme, le baroque et le classicisme.
Le Caravage n'appartient à aucun mouvement. Mais en améliorant sa technique et en radicalisant ses approches, il démode tout ce qu'il y avait avant lui.
L'exposition, qui réunit dix tableaux de Caravage et une vingtaine d'oeuvres de ses contemporains, admirateurs ou rivaux, en témoigne. Aux côtés de ses cadrages originaux, de ses lumières contrastées, de ses corps à la sensualité assumée, de la franchise de ses approches, il est difficile de tenir la comparaison.
Le Caravage est au-dessus de tous ses contemporains. Les artistes de l'époque étaient terrassés par son génie.
Pierre Curie évoque également la grande générosité du peintre envers les plus modestes, à l'image de "La Diseuse de Bonne Aventure" ou de son sublime "Saint-Jérôme" lisant la Bible, peint avec une telle simplicité qu'on croirait être immédiatement en contact avec lui.
Sujet proposé par Isabelle Carceles
Réalisation web: Marie-Claude Martin
"Caravage à Rome", musée Jacquemart-André, Paris, 28 janvier 2019