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Les oeuvres censurées par Facebook "sont rendues ultra-visibles"

Une publicité du Musée d'art et d'histoire de Genève a été supprimée par Facebook à cause de la nudité des statues représentées. Le réseau social est coutumier de telles décisions qui, paradoxalement, servent la communication des musées.

Le Musée d'art et d'histoire de Genève (MAH) a annoncé vendredi s'être vu refuser par Facebook un post payant pour promouvoir sa prochaine exposition "César et le Rhône", qui s'ouvre vendredi.

En cause: la nudité des statues sélectionnées pour le visuel, qui contrevient aux règles du réseau social.

Les oeuvres incriminées sont des "chefs-d'oeuvres antiques", selon le catalogue du MAH. Il s'agit de la Vénus d'Arles, une statue en marbre du Ier siècle ap. J.-C. prêtée par le musée du Louvre, et d'une statue de captif en bronze datant de la fin du Ier siècle av. J.-C., propriété du Musée départemental Arles antique (sud de la France).

Les règles de publication et de modération de Facebook donnent régulièrement lieu à des polémiques lorsqu'elles s'attaquent au domaine de la culture (voir encadré).

"Pas de différence entre art et pornographie"

Le maire de Genève en charge de la culture, Sami Kanaan, déplore que Facebook ne fasse pas de différence entre art et pornographie.

"Que Facebook lutte contre la pornographie, je ne peux que le soutenir. (...) Mais mettre sur le même niveau la nudité de type pornographique et des oeuvres d'art est lamentable. C'est dommage qu'il n'y ait ni une évolution de leur position, ni un dialogue possible", a-t-il réagi mardi sur la Première.

L'historien des cultures visuelles André Gunthert dénonce lui aussi les décisions unilatérales prises par Facebook. Mais il voit un aspect positif dans cette censure, qui permet de redécouvrir le caractère érotique de ces œuvres d’art.

"Presque une campagne de communication"

"C'est assez amusant qu'il nous faille une entreprise américaine pour nous rappeler que ces statues sont des nus. Ces images que finalement plus personne ne voit dans l'espace public sont paradoxalement rendues ultra-visibles. C'est presque une campagne de communication", a expliqué l'historien à la RTS.

Le réseau social créerait ainsi selon lui un "effet Streisand": la censure d'oeuvres fait que l'on parle d'elles. Facebook ferait ainsi involontairement de la publicité pour les musées qui les exposent.

Sujet radio: Pauline Rappaz

Adaptation web: Pauline Turuban

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Des polémiques à répétition

Le MAH et ses nus antiques viennent allonger la liste déjà longue des musées et des institutions culturelles victimes de la politique de Facebook en matière de nudité.

Dernier exemple en date en Suisse, le centre d'art photographique zurichois Photobastei dont la page Facebook est actuellement gelée pour un mois. L'erreur de la Photobastei? Avoir publié en janvier sur sa page un reportage qui lui était consacré, dans lequel on voit les photos de torses nus.

L'été passé, Facebook avait censuré La descente de Croix, tableau du célèbre peintre flamand Rubens représentant un Christ dénudé. L’œuvre avait été mise en avant par la Maison Rubens d’Anvers, en Belgique, dans le cadre d’une action de promotion du tourisme en Flandre.

A la même période, une publicité du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) pour une exposition Picasso avait été supprimée par Facebook en raison des femmes nues représentées dans le tableau cubiste Femmes à la toilette.

Publication finalement autorisée

Le Musée d'art et d'histoire de Genève a annoncé jeudi 7 février que Facebook a finalement autorisé la diffusion de la publicité dans un premier temps censurée.

#Facebook nous a contacté pour nous informer que nous pourrons finalement vous dévoiler ces deux chef-d’œuvres antiques - la statue de captif et la Vénus d'Arles - dans leur intégralité...dont acte
Rendez-vous dès ce soir au MAH pour les admirer en "vrai" ! #SaisonAntique pic.twitter.com/4rttoDX0M1

— MAH Genève (@MAHgeneve) 7 février 2019