La Fondation de l'Hermitage à Lausanne propose une exceptionnelle exposition autour de la peinture anglaise du 19e siècle, âge d'or de l'Empire britannique. Elle regroupe 60 tableaux, empruntés aux plus grands musées ou aux collections privées. La plupart sont présentés pour la première fois en Suisse.
La période victorienne, de 1837 à 1901, marque l'apogée de la révolution industrielle, avec sa prospérité financière, le développement de ses villes et de ses transports publics, son goût pour la science et les techniques, mais aussi l'avènement d'une classe moyenne qui peut jouir de ces nouveaux privilèges.
Ces profonds bouleversements vont inspirer les peintres, dont certains deviendront les chroniqueurs de la vie quotidienne de leurs contemporains, à l'image de George William Joy avec "The Bayswater Omnibus" ou de William Powell Frith, "le Dickens de la peinture" qui peint les conséquences d'une révolution qui a aussi inventé la misère industrielle.
Il s'agit d'une peinture narrative, liée à la vie quotidienne.
Cette peinture de genre, pleine d'odeurs et de bruits, est aussi évocatrice que la photographie qui n'a pas encore la cote sous le règne de Victoria, mais à laquelle l'Hermitage consacre une section.
L'exposition fait aussi la part belle à la confrérie préraphaélite, créée en 1848, et dont John Everett Millais et Dante Gabriel Rossetti sont les plus fameux représentants. En réaction à l'Académie Royale qui définit ce que doit être l'art, le groupe s'inspire des maîtres italiens primitifs, ceux d'avant Raphaël (1483-1520). Leur démarche est d'avant-garde, politiquement contestataire, en dépit de leur source d'inspiration puisée dans le passé. Le groupe a aussi ses muses, Jane Morris et Elizabeth Siddall. A elles deux, elles incarnent l'idéal de la beauté féminine.
Le style préraphaélite se reconnaît par son réalisme, l'abondance de motifs et de détails, ses références à la littérature ainsi que par ses couleurs vives et lumineuses, à l'image du tableau "At the Bazaar", de James Collinson.
Après leur dissolution, les préraphaélites accoucheront d'un autre courant, "Aesthetic Movement", contemporain du symbolisme français, et rassemblant peintres, poètes, décorateurs et artisans. Ce mouvement prône l'art pour l'art et le culte de la beauté, avec une volonté d'échapper à la rigidité bourgeoise et au matérialisme de l'âge industriel. L'antiquité, les légendes médiévales et le théâtre britannique sont parmi leurs thèmes favoris. Edward Burne-Jones (1833-1898) en est le chef de file, tout comme Lawrence Alma-Tadema (1836-1912), resté célèbre pour ses scènes de la vie quotidienne dans la Rome antique et son talent à en reproduire l'architecture.
Turner et les autres
Mais sous le règne de Victoria, il y a encore un artiste, peintre et aquarelliste, qu'aucune exposition consacrée à la peinture anglaise ne pourrait manquer, William Turner (1775-1871), célèbre pour ses paysages et ses marines, dont l'oeuvre annonce l'impressionnisme. C'est par lui, et une salle consacrée aux paysagistes, que débute l'exposition tandis que la visite se termine avec Sargent et Whistler, deux artistes cosmopolites d'origine américaine, mais surtout deux portraitistes hors du commun.
Sujet TV: Philippe Evêque et Isabelle Gonet
Adaptation web: Marie-Claude Martin
"La peinture anglaise de Turner à Whister", du 1er février au 2 juin 2019, Fondation de l'Hermitage, Lausanne