"Mon neveu fait la même chose". "Il a saigné du nez sur une toile et vend son tableau 30'000 euros. Il se fout de notre gueule!". "Tu ne vas pas me dire que c'est beau? Mais chérie, la beauté, c'est dépassé!". "SUBLIME!".
Avec l'art contemporain, il y a peu de nuances: on déteste ou on adore. Dans les deux cas pourtant, il s'agit souvent d'une posture. Ceux qui le conspuent parlent d'escroquerie, de snobisme et de facilité; ceux qui le vénèrent ont l'impression de voguer avec le sens de l'histoire et d'appartenir à l'élite de la modernité.
Le baobab qui cache la forêt profonde
Qui a tort? Qui a raison? "C'est vrai qu'il existe des faiseurs et des poseurs; ceux qui réutilisent la carcasse, intellectuelle et esthétique, des plus grands artistes pour en faire du business. Jeff Koons, par exemple, qui se décrit comme un "passeur d'art contemporain populaire". Il est vrai aussi que les curateurs, galeristes, artistes et certains journalistes pratiquent l'entre-soi. Mais c'est l'arbre qui cache une belle forêt profonde", explique Frédéric Elkaïm, ancien directeur de Druot, spécialiste du marché de l'art et fondateur de Art Now!, des cours très pédagogiques qui livrent les clés pour comprendre l'art contemporain.
"Cet arbre qui cache la forêt correspond à 5% du marché", précise l'artiste genevois Stéphane Ducret qui dans Art Classe propose des ateliers de peinture REAL/FAKE, des cours pratiques qui enseignent à réaliser en quelques heures les peintures d'artistes fameux, par exemple les tableaux aux noirs lumineux de Pierre Soulages.
N'est-ce pas cynique de faire en une journée ce que l'artiste a mis des années à parfaire? "Les participants se confrontent physiquement à la matière, aux mains sales, à la difficulté d'obtenir le noir parfait. C'est une approche humble", explique Stéphane Ducret, familier de l'art contemporain depuis ses études aux Beaux-Arts.
Le spectateur devient cocréateur
Ce n'est pas le cas de Frédéric Elkaïm qui a appris l'abécédaire de l'art contemporain au fil de ses expériences jusqu'à publier en 2018 "Savez-vous parler l'art contemporain?", où l'auteur avec humour se met à la place du novice, du détracteur sévère, du collectionneur ou de l'artiste lui-même.
Pour lui, tout commence en 1917, avec l'urinoir de Marcel Duchamp qui engage le débat toujours d'actualité: est-ce une oeuvre d'art ou pas?
Duchamp oblige le spectateur à se positionner. Avec lui, le regardeur, l'admirateur ou le contempteur devient le cocréateur de l'oeuvre.
Les femmes redécouvertes
Parmi les participants des cours et ateliers proposés par les deux hommes, on compte de nombreux collectionneurs, des personnes ayant un bon bagage classique, mais à qui il manque les différentes étapes de l'histoire de l'art récente et une majorité de femmes. Les deux passionnés sont d'ailleurs conscients que dans ce domaine aussi, elles ont été minorées et que leurs oeuvres n'ont jamais atteint les cotes de leurs confrères. Ils tentent chacun à leur manière de les rendre plus visibles.
A titre de comparaison, un Jackson Pollock peut se vendre 200 millions en vente privée contre 12 millions pour une araignée géante de Louise Bourgeois. Mais dans ce domaine comme dans d'autres, les temps changent.
Sujet proposé par Florence Grivel
Adaptation web: Marie-Claude Martin