On a souvent l'image d'un Paul Klee solitaire, sauvage, creusant son sillon tout seul, à l'abri des courants d'art de son époque. Rien n'est plus faux! Sans ses amis artistes, sans leur influence, sans leur émulation, Paul Klee ne serait certainement pas devenu le peintre hors norme, unique et protéiforme que nous connaissons aujourd'hui.
C'est ce que montre au Centre Paul Klee, à Berne, l'exposition "Kandinsky, Arp, Picasso....Klee & Friends" qui regroupe des oeuvres magnifiques, tirées des très précieuses collections du Kunstmuseum de Berne et du Zentrum Paul Klee.
Il emprunte à tous les courants
Dès 1911-12, Paul Klee est en contact avec tous les nouveaux courants picturaux, aussi bien du côté allemand que français. Son génie sera de les métaboliser dans son propre langage.
Son rapport aux couleurs s'enrichira en côtoyant August Macke, avec lequel il entreprendra un important voyage en Tunisie. Ses amitiés avec Kandinsky et surtout avec Franz Marc, mort précocement au combat en 1916, seront également déterminantes. Curieux des autres, il emprunte au cubisme de Picasso et à l’onirisme de Sonia et Robert Delaunay, tout en restant sensible aux formes mouvantes de Jean Arp ou au surréalisme d'un André Masson.
Une oeuvre de "malade mental"
On se régale de l’inventivité de Klee, de sa singularité, de sa liberté. Traversé tout le long de sa vie par différentes influences, il reste pourtant Klee, un artiste énigmatique, impossible à classer, sauf pour les nazis qui estiment que son travail relève de la maladie mentale.
Retour à Berne
Dans une Allemagne dominée par l'idéologie national-socialiste, Paul Klee doit alors prouver qu'il n'est pas juif. Son appartement est fouillé par la Gestapo et dix-sept de ses toiles saisies pour figurer dans l'exposition sur l'art dégénéré. En décembre 1933, Klee quitte l’Allemagne où il travaillait et enseignait au Bauhaus pour revenir à Berne. Cette période troublée, comment l'a-t-il traduite dans son oeuvre?
Klee n'a pas explicitement représenté cette période. Il n'a jamais, par exemple, dessiné Hitler. A la place, il raconte des situations d'oppression, d'éducation forcée ou des scènes de dressage d'animaux. Il donne à ce qui se passe alors en Allemagne un langage universel.
De retour en Suisse, Paul Klee vit dans une certaine indigence, personne n'osant ou voulant acheter ses oeuvres, tandis que les galeristes avec lesquels il avait l'habitude de travailler, pour la plupart juifs, se sont exilés aux Etats-Unis.
En 1935, il commence à souffrir de sclérodermie, une affection maligne de la peau. Il ne peut plus voyager mais continue de s'intéresser à ce qui se passe autour de lui. Il mourra quelques semaines avant de recevoir la naturalisation suisse, le 29 juin 1940 à Locarno.
Propos recueillis par Florence Grivel
Adaptation web: Marie-Claude Martin