C'est un visage qu'on ne peut pas oublier: un personnage fantomatique dans un paysage enflammé. Isolé. Torturé. Pour beaucoup, il est le symbole-même de l'anxiété.
Une version gravée du "Cri", rare, va être présentée d'avril à juillet au British Museum de Londres dans le cadre de "Love and Angst" une rétrospective de l'œuvre d'Edvard Munch – en collaboration avec le musée Munch d'Oslo.
Il existe cinq versions du célèbre tableau, mais une seule en noir et blanc: une lithographie réalisée à Berlin en 1895. Elle comporte une inscription en allemand de la main du maître: "Ich fühlte das grosse Geschrei durch die Natur", "J'ai senti le grand cri qui parcourait la Nature".
A noter que "Geschrei" est plus fort que "Schrei" en allemand: le premier pouvant aussi être traduit par "hurlement" et le second uniquement par "cri".
Un "cri infini"
La phrase est une référence à une promenade que le peintre expressionniste fit à Oslo avec deux amis; il l'a décrite dans son journal en janvier 1892:
'Le soleil se couchait – soudain, le ciel est devenu rouge sang – j'ai fait une pause, me sentant exténué, je me suis appuyé sur la barrière – il y avait du sang et des langues de feu au-dessus du fjord bleu-noir et de la ville – mes amis ont continué leur marche, et je suis resté là, tremblant d'anxiété – et j'ai senti un cri infini parcourant la Nature.'
La première version de cette image – la plus connue, peinte en 1893 – portait du reste comme titre "Der Schrei der Natur", ou "Le Cri de la Nature".
Ce visage, presque exempt de traits, comme désindividualisé, est devenu universel. Avec ses mains autour de son visage, il a peut-être été inspiré par une momie péruvienne qui était exposée à Paris au Musée d'Ethnographie du Trocadéro en 1889.
Une image iconique
Reste que la culture populaire s'est appropriée l'image iconique. Andy Warhol, notamment, s'en est saisi en 1984.
On ne compte plus les détournements, les réinterprétations, les clins d'œil à cette peinture qui voulait évoquer un moment précis dans le temps.
Mais chaque vision de la toile semble n'avoir retenu que l'idée d'un être humain criant de manière effroyable. Jusque dans nos smartphones, avec une émoticône le rappelant furieusement.
Une œuvre toujours d'actualité
"Le Cri", qu'il soit gravé, peint, en couleurs ou juste esquissé au trait, reste d'actualité. Que le personnage entende le "hurlement infini de la Nature" ou que lui-même soit en train de crier.
L'organisation écologiste Greenpeace semble avoir très bien compris l'ambiguïté de l'image lorsqu'elle l'a détournée pour le 25e anniversaire de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, en 2011.
La Nature et l'Humanité semblent s'époumoner d'un seul souffle sur le sarcophage du réacteur détruit...
Stéphanie Jaquet
https://blog.britishmuseum.org/10-things-you-may-not-know-about-the-scream/?_ga=2.23287992.307348839.1553770060-1360185961.1553770060
https://www.britishmuseum.org/whats_on/exhibitions/munch.aspx
https://www.telegraph.co.ukews/2019/03/20/edvard-munchs-scream-isnt-screaming-says-british-museum/
https://qz.com/1577796/the-figure-in-edvard-munchs-the-scream-isnt-actually-screaming/?utm_source=parAO&fbclid=IwAR21UxnJUMPxfhf6Am8j2BTv_qfAlbZOgyFQ2oG35XbZ-QdDjScjI9jJs18
https://slate.com/culture/2005/11/another-look-at-edvard-munch-s-the-scream.html
http://www.laboiteverte.fr/les-5-versions-de-le-cri-dedvard-munch/