Sur la place du Marché de Vevey, à deux pas des arènes déjà érigées pour accueillir d'ici trois mois la Fête des Vignerons, grand spectacle populaire inscrit au patrimoine immatériel de l'UNESCO, se trouve le Musée suisse de l'appareil photographique. Il consacre dès le 4 avril une exposition aux photographies historiques de cette manifestation.
L'exposition "1927 & 1955 – Les premières photos couleur de la Fête des Vignerons" invite à la découverte des costumes de la Fête autant qu'à l'exploration des techniques de la photographie couleur en vigueur à l'époque.
Une célébration haute en couleur
Le Musée suisse de l'appareil photographique s'intéresse précisément aux Fêtes de 1927 et 1955. On imagine une succession de clichés en noir et blanc, un univers sépia... Il n'en est rien, puisque toutes les photographies exposées sont en couleur. Cette exposition, c'est bien sûr une plongée dans l'histoire de la Fête des Vignerons, mais c'est aussi un témoignage de l'essor et de l'usage de la couleur dans la photographie de ces années-là.
Cette fête solaire, estivale, haute en couleur est indissociablement liée à cet élan vital qu'est la célébration de la terre. Accompagné au XIXe siècle et jusqu'au début du XXe par une frustration: la photographie n'était jusqu'alors pas capable de rendre cette épaisseur chromatique.
Il a fallu attendre l'édition de 1927 de cet événement unique au monde pour que les clichés puissent en rendre la richesse chromatique, grâce à la technique de l'autochrome, premier procédé industriel de photographie en couleurs inventé par les frères Lumière. Des amateurs éclairés vont s'emparer de ces nouveaux films pour photographier les figurants et la Fête elle-même. Quant à 1955, l'édition d'après - la guerre ayant interrompu le cycle générationnel de la célébration - , elle correspond à la démocratisation et la généralisation de la photographie couleur.
Les archives de 1955 témoignent à la fois de cette évolution photographique majeure, mais sont aussi un hommage à la Fête des Vignerons elle-même qui est aussi la fête de la couleur.
Documenter la Fête
En 1927, seule une élite érudite - notamment Charles Nicollier, cadre chez Nestlé, dont on retrouve de nombreuses photographies dans l'exposition du Musée suisse de l'appareil photographique - avait accès à la photographie couleur. Mais les organisateurs de la Fête prenaient eux aussi grand soin de documenter cette célébration unique de manière très professionnelle, grâce à des dessinateurs, peintres et graveurs.
En 1927, un impératif technique, le long temps de pose imposé par l'autochrome, a raison des choix des scènes photographiées. En résulte des clichés de figurants semblant très statiques, un effet renforcé par le rendu de l'autochrome presque pointilliste qui se rapproche des impressionnistes. En 1955, en revanche, les pellicules sont beaucoup plus sensibles et permettent davantage de rendre compte de l'action "ce qui n'empêche pas ce genre de la pose en costumes propre à la Fête des Vignerons", explique Luc Debraine au micro de la RTS.
Des photographies inédites
Si la plupart des clichés de l'exposition viennent de la collection du Musée suisse de l'appareil photographique de Vevey, d'autres proviennent de collections privées - celles de Charles Nicollier notamment.
"J'ai cherché des autochromes partout", explique Luc Debraine, "j'ai même écrit à la bibliothèque du Congrès à Washington, à la National Gallery de Londres, et je ne trouvais rien. Un jour, j'ai reçu un coup de téléphone de la famille Nicollier qui me demandait si je voulais bien m'intéresser à leur fond assez extraordinaire de photographies. Je cherchais loin, alors que ces autochromes étaient juste à côté".
Propos recueillis par Nicolas Julliard
Adaptation web: Lara Donnet
"1927 & 1955 – Les premières photos couleur de la Fête des Vignerons", à découvrir du 4 avril au 1 septembre au Musée Suisse de l’appareil photographique de Vevey. Luc Debraine. Vernissage ce jeudi 4 avril à 19h.