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A Arles, deux artistes exposent l'oeuvre d'un bâtisseur effréné

Daphné Bengoa, L'Attente, Diar-El-Mahçoul, Alger, Algérie, 2018. [rencontres-arles.com - Daphné Bengoa]
Arts visuels: le lustre des Rencontres photographiques d'Arles / Vertigo / 7 min. / le 2 juillet 2019
La cinéaste Daphné Bengoa et le photographe suisse Leo Fabrizio ont suivi les traces de l'architecte français Fernand Pouillon (1912-1986), qui bâtissait pour des populations défavorisées. Leur oeuvre commune est à découvrir aux Rencontres photographiques d'Arles.

A quelques encablures d'Arles, l’abbaye de Montmajour est un site exceptionnel où l’architecture médiévale fait corps avec la roche. Ce lieu résonne particulièrement bien avec l’œuvre de Fernand Pouillon, l’architecte français qui a le plus construit pendant le 20ème siècle et dont le nom a été oublié.

Il fut l'un des plus grands bâtisseurs des années de reconstruction après la Seconde Guerre mondiale, très actif notamment en Algérie, en Iran et en France. Le photographe Leo Fabrizio et la cinéaste Daphné Bengoa ont consacré plus de 5 ans à suivre les traces de cet architecte qui ne signait pas ses plans, qui préférait bâtir pour se mettre au service du vivre ensemble et des populations défavorisées.

Le duo d’artistes nous livre des images à la fois impressionnantes - vues de façades, de détails architecturaux, de perspectives urbaines sur front de mer - et vivantes, avec les habitants de ces quartiers.

Leo Fabrizio, Hôtel El-Manar, Sidi-Fredj, Algérie, 2018. [rencontres-arles.com - Leo Fabrizio]
Leo Fabrizio, Hôtel El-Manar, Sidi-Fredj, Algérie, 2018. [rencontres-arles.com - Leo Fabrizio]

Matériaux nobles

Car ces constructions n’ont rien d’utopique. On y vit bien, des décennies après leur construction. Ce bien-être est sans doute dû au soin qu’apporte Pouillon au choix des matériaux nobles qu'il a utilisés. Nulle trace de béton mais de la pierre de taille, la même que celle utilisée pour l'abbaye de Montmajour. Fernand Pouillon installe l’eau courante, des salles de bains, des cuisines avec tout le confort moderne qui assure une dignité à ces gens peu intégrés dans la société civile.

Un architecte à hauteur d’hommes, dont le destin agité et l'emprisonnement de 2 ans en France pour malversations financières (il sera finalement amnistié en juin 1971) ont sûrement dû participer à un certain oubli de son nom.

Ouvrir la voie

La 50e édition des Rencontres photographiques d'Arles se tient jusqu'au 22 septembre. Dès ses débuts, la manifestation a ouvert la voie à la photographie, qui ne jouissait alors pas du tout de la visibilité qu’elle a obtenue aujourd’hui. "Quand on a créé les Rencontres à Arles, il ne se passait rien en photo", résumait avant sa mort en 2014 Lucien Clergue, un des trois fondateurs de l'illustre festival de photo. 50 ans plus tard, le rendez-vous est incontournable pour professionnels, amateurs et grand public. Sa spécificité? Montrer des images dans des lieux atypiques, cloîtres, anciens ateliers mécaniques, supermarché climatisé... au total une cinquantaine d'expositions sont à découvrir.

"Arles, c'est une vraie histoire de rencontres, c'est le moment où les photographes deviennent accessibles, on peut échanger avec eux. C'est magique pour quelqu'un de 20 ans", se souvient avec émotion Sam Stourdzé, l'énergique directeur de la manifestation, en repensant à sa toute première venue à Arles.

Florence Grivel/afp/mh

Daphné Bengoa et Leo Fabrizio, "Bâtir à hauteur d'hommes, Fernand Pouillon et l'Algérie", Rencontres photographiques d'Arles, Abbaye de Montmajour, jusqu'au 22 septembre.

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