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Un "monstre" multicolore à Bâle, certains y ont vu rouge

"Lieu dit" de Michael Grossert à Bâle. [Wikipedia/Creative Commons - Bryan Price]
"Lieu dit" de Michael Grossert à Bâle. - [Wikipedia/Creative Commons - Bryan Price]
L'ART DANS L'ESPACE PUBLIC - En 1976, l'artiste bâlois Michael Grossert souhaite donner un peu de couleur à un coin morose de Bâle. Zoom sur "Lieu dit", sculpture controversée à découvrir dans le quartier de Heuwaage.

Heuwaage est un quartier de Bâle où l’on ne fait habituellement que passer à pied, en voiture ou en "Trämmli", comme les Bâlois appellent leur tram. C’est là que trône la célèbre sculpture multicolore de l’artiste bâlois Michael Grossert, "Lieu dit".

Le "monstre" doit partir

Aujourd’hui, les enfants s’amusent dessus et les habitués des pubs avoisinants aiment s’y asseoir pour apprécier leur bière. Mais l’œuvre plastique de Grossert n’a pas toujours joui d’un tel engouement, bien au contraire.

Le scandale éclate lorsque la sculpture est érigée en janvier 1976. "La ville est défigurée", peut-on entendre dans les couloirs du Parlement. Avec dédain, les politiciens se demandent même s'il s'agit vraiment d'art. Le "monstre" n’a rien à faire dans la rue, dit-on, on la verrait plutôt sur une place de jeux.

Tous les médias font état du scandale, et la sculpture est même l’objet de satire pendant le carnaval de Bâle.

Des couleurs pour lutter contre la tragédie

Peu après le carnaval, Michael Grossert est invité à la télévision. L’artiste décrit son œuvre comme une confrontation avec le monde et l’humanité, les couleurs vives devant servir à surmonter le tragique.

Grossert avait reçu le mandat du Basler Kunstkredit, le département du canton de Bâle-Ville chargé de la promotion des artistes dans la région. Il avait pour mission d’embellir un quartier de Bâle inconnu de tous et de lui donner une identité, comme "Lieu dit", son nom, l’indique.

Michael Grossert y est parvenu, affirme encore aujourd’hui le responsable actuel du Basler Kunstkredit Simon Koenig, bien qu’il soit difficile de définir la beauté.

Une oasis au milieu d’un trafic chaotique

Grossert a considérablement contribué au fait que Heuwaage est aujourd’hui perçu de manière ambivalente. La circulation ne s'arrête jamais. Des trams traversent la place à intervalles réguliers. Des vélos et des motos se serrent contre les voitures et les camions tentent difficilement de se frayer un passage. Pour couronner le tout, le fameux viaduc du City-Ring passe au-dessus de la place.

Puis en plein milieu, sur un petit carré d’herbe, se trouve l’œuvre de Grossert. Trois énormes parties s’élancent vers le ciel en suivant une ligne serpentée et ondulée, comme si elles poussaient du sol. Du jaune, du bleu et du rouge avec différentes nuances, un contraste avec le béton gris qui entoure l’œuvre.

Erigée à une période de transformation

Il est aisé de comprendre aujourd'hui pourquoi l’œuvre a soulevé une telle tempête de protestation il y a 40 ans, explique Simon Koenig. Dans les années 1970, la ville de Bâle traverse une véritable révolution.

Le viaduc Heuwaage, première étape du projet du City-Ring, est construit à cette époque. Non loin de Heuwaage, le théâtre municipal néobaroque est détruit peu de temps après. Et tout cela, en plein mouvement des années 1968. Les controverses et oppositions découlant de ces événements ne sont donc pas suprenantes. C’est au milieu de ce tumulte qu’est née la très colorée œuvre "Lieu dit".

De l’art qui évoque le chaos

"Criarde et envahissante", voilà comment qualifie Simon Koenig l’œuvre plastique de Grossert. Colorée, sans formes fermées, qui évoque le chaos. "L’œuvre doit être comprise dans ce large contexte", souligne-t-il.

Aujourd’hui, plus de 40 ans plus tard, peu se souviennent encore du scandale entourant "Lieu dit". Mais pour de nombreux Bâlois, il serait désormais impensable de vivre sans leur petite oasis colorée en plein milieu du trafic chaotique de Heuwaage.

Vanda Dürring (SRF)/mcc

Traduction: Service linguistique SSR

Cet article a été initialement publié sur SRF Kultur.

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