Né à Genève en 1799, Rodolphe Töpffer veut devenir, tout comme son père, Wofgang Adam, un artiste peintre réputé loin à la ronde. Une déficience visuelle l'en empêche. Soit, il dessinera. Il se vouera à l'écriture aussi.
En 1824, grâce aux revenus de son épouse, il achète un pensionnat. Avec ses élèves, il effectue vingt-six voyages sur les versants des Alpes. A chaque fois, il ramène des carnets dessinés et calligraphiés qui donneront un jour son fameux "Voyage en zigzag".
Nulle forme ne l’emporte en simplicité sur celle qui n’exige, pour être saisie, que la seule intuition.
Partager avec le plus grand nombre
Il écrit. Il dessine. Il fait feu de tout bois: nouvelles, romans, comédies. Tour à tour il se fait journaliste, essayiste, pamphlétaire, épistolier, professeur, critique d'art ou pédagogue.
Dans les années 1830, il recourt à l'autographie, un procédé lithographique qui lui permet de multiplier ses imprimés. Une technique qu'il appliquera aussi à ses histoires qu'il veut partager avec le plus grand nombre et propager le plus loin possible. Ne s'est-il pas attiré les louanges de Goethe lui-même?
La littérature en estampes
Dans les vitrines de la Bibliothèque de Genève, le visiteur approche la délicatesse du dessin exécuté à la plume. Dessins et textes mêlés. D'abord écrits de la main de Töpffer. Imprimés par la suite. Les corrections en vue des rééditions. De véritables planches originales.
Être à la fois fort, profond, moral dans la conception, et simple, naïf, dans l’exécution.
Töpffer ne lâchait pas la plume. Il croulait sous les projets. Et toujours la même cohérence: il veut éduquer, instruire. La morale ne lui fait pas peur. Il veut encore et toujours s'adresser au plus grand nombre, qu'ils soient cultivés ou analphabètes. Il se targue d'offrir une littérature aux gens qui n'en ont pas.
C'est dans cet esprit qu'il imaginera le premier album de "littérature en estampes": autrement dit le premier album de bande dessinée. A sa mort, en 1846, à 47 ans, Töpffer laisse notamment sept albums d'histoires en images et le brouillon d'un huitième.
L'exposition de la Bibliothèque présentée comme un voyage à l'origine de la bande dessinée donne aussi l'occasion d'évaluer la vigueur de l'héritage laissé par le père et le penseur de la "littérature en estampes".
En collaboration, le canton, la ville, et la Haute école d'art et de design (HEAD) proposent deux expositions consacrées à Nikita Mandryka, le lauréat du Grand Prix Töpffer 2019, deux cartes blanches données aux élèves de la HEAD, des conférences, des tables rondes, un colloque autour de l'affiche BD, des ateliers BD…
Les dessins, sans le texte, n’auraient qu’une signification obscure ; le texte, sans les dessins, ne signifierait rien. Le tout ensemble forme une sorte de roman.
Marlène Métrailler/mcm/aq
L'exposition "La bande dessinée, une invention genevoise?", à la Bibliothèque de Genève et à la HEAD, du 16 novembre 2019 au 18 janvier 2020.
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