Une centaine d'oeuvres issues de la fondation Aimé et Marguerite Maeght de Saint-Paul-de-Vence, dont soixante du sculpteur suisse Alberto Giacometti, sont à découvrir à Vérone. Des œuvres connues comme "L'homme qui marche" et des moins connues comme ces magnifiques dessins au crayon, réalisés à l'adolescence, qui prouvent une fois de plus combien Alberto Giacometti était un artiste complet et talentueux. Des sculptures de jeunesse ainsi que les œuvres de la maturité et de la gloire parisienne et new-yorkaise complètent le parcours choisi par Marco Goldin, commissaire de l'exposition véronaise, dont le titre évoque tout une époque: "Le temps de Giacometti, de Chagall à Kandinsky".
Car cette exposition permet aussi d'évoquer l'une des plus grandes aventures culturelles en Europe après la Seconde Guerre mondiale, celle d'Aimé et Marguerite Maeght. Alors qu'ils ouvrent leur galerie parisienne en 1945 avec des dessins de Matisse, c'est surtout en 1947 avec André Breton et Marcel Duchamp qu'Aimé Maeght présente l'exposition internationale du surréalisme, qui assure une grande notoriété à la jeune galerie. Tous les artistes qui comptent à l'époque passent par la galerie Maeght: Kandinsky, Mirò, Léger et Chagall sans oublier Braque et bien sûr Giacometti.
Des oeuvres peu exposées
L'exposition de Vérone rappelle cette incroyable époque où les talents se croisaient à Paris. Voilà pourquoi aussi la fondation Maeght de Saint-Paul-de-Vence, ouverte en 1967, possède l'une des plus incroyables collections de sculptures, dessins, collages et peintures du XXe siècle. Certaines œuvres d'art exposées à Vérone proviennent d'ailleurs des archives de la fondation et ne sont pas souvent montrées au grand public.
L'exposition n'est pas uniquement un hommage monographique au maître suisse, même si l'on peut y admirer "La tête de Diego au col roulé" et le groupe des sept sculptures, "Les femmes de Venise", présenté à la biennale de la cité des doges en 1955, lors de laquelle Giacometti représentait la France. Ces statues toutes différentes les unes des autres ont été imaginées pour être exposées ensemble et rappellent évidemment l'influence étrusque qui infuse le monde de Giacometti.
L'esprit d'une époque
Si la première salle du palais de la Gran Guardia est exclusivement réservée aux œuvres du sculpteur, la dernière salle de l'exposition propose les œuvres des peintres qui ont aussi joué un rôle lors de cette époque créative. Le très onirique "Soleil jaune" de Marc Chagall côtoie "L'atelier VI" de Georges Braque, à qui Alberto Giacometti dédie ces paroles en 1963 lors de la mort du peintre: "De toute son œuvre, je regarde avec intérêt, la curiosité et l'émotion plus grande, les petits paysages, les natures mortes et les bouquets de fleurs des dernières années. Je regarde cette peinture presque timide, privée de poids, cette peinture nue, d'une audace bien différente, mais bien plus grande de celles des années lointaines, peinture qui pour moi se situe à la faîte de l'art d'aujourd'hui avec toutes ses contradictions!"
Les paroles du sculpteur suisse résument à merveille l'esprit de cette belle exposition italienne, où l'on sent les relations qui unissent tous ces artistes les uns aux autres lors d'une des plus grandes époques de créativité artistique du XXe siècle.
Valérie Dupont/mh
"Le temps de Giacometti, de Chagall à Kandinsky", Gran Guardia de Vérone, place Bra, du 16 novembre au 5 avril 2020.