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Une exposition montre comment supporter la prison grâce à l'art

Une image de l'exposition "Libres". [Centre d'Art contemporain d'Yverdon-les-Bains - Claude Cortinovis_CACY 2019]
Arts visuels: L'art derrière les barreaux / Vertigo / 5 min. / le 16 janvier 2020
Au Centre d'art contemporain d'Yverdon-les-Bains (CACY), l'exposition collective "Libres" montre combien l'art peut être nécessaire pour supporter, traverser l’emprisonnement.

Ce sont des oeuvres artistiques réalisées dans un contexte carcéral. L'exposition qui les rassemble s'appelle "Libres" au pluriel. Elle réunit plus d'une vingtaine de créateurs d'ici et d'ailleurs. Elle essaime aussi bien à Yverdon-les-Bains qu'au théâtre de la Tournelle à Orbe, qui fut l'une des plus anciennes prisons du canton de Vaud, et également au Musée du chemin de fer à Vallorbe. Au Centre d'art contemporain d'Yverdon-les-Bains (CACY), pas d'issue possible si ce n'est entrer dans ces multiples productions assez renversantes.

Il y a ce rose posé sur quelques murs, le fameux P-618, couleur découverte en 1979 aux États-Unis par le Dr Alexander G. Schauss qui aurait des vertus apaisantes et qui est donc utilisé dans certains centres de détention.

Une photo de l'exposition "Libres". [Centre d'Art contemporain d'Yverdon-les-Bains - Claude Cortinovis_CACY 2019]
Une photo de l'exposition "Libres". [Centre d'Art contemporain d'Yverdon-les-Bains - Claude Cortinovis_CACY 2019]

Il y a aussi les artistes qui pensent à l'enfermement, comme Laure Tixier qui construit des images de prisons faites en marshmallows et autres en sucreries molles, ou Sylvie Fleury qui installe une échelle de draps le long d'une tour du Château d'Yverdon.

Il y a ceux qui connaissent la prison de l'intérieur, comme ces six détenus libérés du camp de Khiam situé au Liban dans la zone occupée par Israël et démantelé en 2000, puis détruit en 2006. Ils témoignent face caméra de la manière dont ils ont pu résister à la prison en fabriquant clandestinement des petits objets, peignes et autres petites choses décoratives qui racontent un quotidien doux et normal.

L'art pour s'évader

Il y a aussi les artistes qui sont mandatés pour imaginer une œuvre pour une prison, comme l'artiste genevois Christian Gonzenbach qui, depuis 2012, attend que son projet soit réalisé pour la prison de Gorgier dans le canton de Neuchâtel. Les médias ont déjà plusieurs fois mentionné son oeuvre.

La prison est un lieu très exigu, il n'y a pas de place. Mais autour de cette prison, il y a un mur d'enceinte de 7 mètres de haut. L'idée, c'était de faire un lien entre l'intérieur et l'extérieur en faisant une sculpture plus haute qui serait visible de l'intérieur et de l'extérieur. Le projet, c'était de planter un palmier métallique, une sculpture de 18 mètres de haut qui soit visible des prisonniers et des gens de l'extérieur.

Christian Gonzenbach, sculpteur

Un projet malin, poétique. Pourtant, l'artiste sculpteur Christian Gonzenbach doit essuyer toute sorte de refus de la part des opposants au projet. En effet, à l'origine, la prison de Gorgier n'en était pas une. C'était un foyer prévu pour accueillir des jeunes filles, mais rapidement, l'état de Neuchâtel a pris possession du bâtiment pour en faire une prison, sans que les habitants de la commune de Gorgier ne soient mis au courant.

>> A lire, l'article : L'oeuvre d'art en forme de palmier ne pourra pas être construite à Gorgier

"Les prisons, comme les décharges, les aéroports ou les incinérateurs font partie de ces lieux considérés comme nuisibles, voire toxiques, qu'on ne veut pas avoir dans son voisinage", explique l'artiste. Les habitants de Gorgier sont très remontés contre cette prison, raison pour laquelle le projet de Christian Gonzenbach a fait l'objet de nombreuses oppositions: sa sculpture est un peu l'arbre qui cache la forêt ou le palmier qui cache la prison.

Sujet radio: Florence Grivel

Adaptation web: Lara Donnet

"Libres" au CACY d'Yverdon-les-Bains, à voir jusqu'au 9 février 2020.

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