"Ce qu'il y a de plus profond en l'homme, c'est la peau" disait le poète Paul Valéry. Alors qu'en Europe, les mouvements d'avant-gardes comme le cubisme, le futurisme, l'expressionnisme, ou l'abstraction font tabula rasa de tous les préceptes artistiques les précédant, cherchant notamment à sortir la figuration de la création artistique, à Vienne la révolution se fait, mais pas de la même manière.
Originale, audacieuse, radicale, l'exposition "À fleur de peau. Vienne 1900, de Klimt à Schiele et Kokoschka" donne un éclairage passionnant à ce moment charnière de l'histoire de l'art qui se passe en Autriche 1900.
On y découvre des œuvres majeures et magnifiques des deux stars que sont Gustav Klimt et Egon Schiele, mais le propos de l'exposition est de nous immerger dans ce moment-clé où l'Autriche va vivre sa révolution avec ce qu'on appelle le mouvement de Sécession (1897), c'est-à-dire la séparation avec ce qui se faisait avant. Exit le style académique qui plaît au pouvoir impérial, exit l'ornement, le babillage décoratif. Ce que ces nouveaux artistes revendiquent, c'est le besoin de revenir à la vérité des corps, des peaux.
Les artistes viennois de la Sécession – dont Klimt et Schiele font partie – restent fidèles à la figure humaine ainsi qu'au paysage. Par leurs œuvres, ils cherchent à retrouver la pureté des corps, de l'homme et de la femme, à réactiver une éthique, une vérité des chairs et de la peau. Le Mensch moderne tout comme l'architecture se doivent d'être dépouillés, sans ornements, lisses comme le martèle l'architecte théoricien Adolf Loos.
La libération des corps
Dans l'exposition, on voit apparaître ces figures aux carnations blanches, lisses, puis vibrantes et invraisemblables de couleurs – verts, jaunes, rouges – lorsque Schiele fait remonter à la surface de la peau, des émotions, comme Freud fruit de cette époque fait affleurer les miasmes de l'inconscient.
Le parcours de l'exposition s'organise en six sections: Peaux blanches raconte la lutte contre contre l'académisme et à la quête du corps dénudé et libéré de contraintes culturelles; Peaux colorées fait résonner l'expression des émotions qui teintent le corps, ses chairs et ses articulations, des émotions en lien direct avec celles que fait affleurer de l'inconscient le père de la psychanalyse, le Viennois Freud; Sous la peau embarque le public dans les profondeurs de la chair et du corps disséqué, – l'étude du corps humain est au cœur de recherches scientifiques; Autour de la peau présente l'intérêt des artistes à exprimer les auras des personnages portraiturés ou leur relation au cosmos, une tendance en ligne direct avec la théosophie qui a le vent en poupe à cette période; L'espace-peau raconte un nouvel espace plastique, une surface de projection d'un seul tenant, et Etre bien dans sa peau montre combien ce mouvement vers la libération du corps infuse non seulement l'art mais aussi bien le mobilier.
Des dessins, des affiches et aussi un fragment de peau tatoué datant de la fin du XIXe. Ce mouvement vers la libération du corps infuse non seulement l'art mais aussi bien l'architecture, que le mobilier. L'exposition offre sa plus grande salle à des objets d'art appliqué Wiener Werkstätte du début du XXe (mobilier de cuisine, divan, chaises, vaisselle…) qui repensent le corps domestique libéré des contraintes, dont les mots-clé sont confort, hygiène et fonctionnalisme.
Florence Grivel
Adaptation web: Lara Donnet
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