Un mois après sa mort, Christo a droit à une exposition hommage que le confinement avait retardée: elle parcourt la période parisienne de l'artiste et de son épouse Jeanne-Claude, racontant comment ils avaient préparé l'"empaquetage" en 1985 du Pont-Neuf au grand bonheur des Parisiens.
Par ailleurs, l'Arc de Triomphe que Christo avait prévu d'emballer en juin sera bien réalisé à l'automne 2021, avec un an de retard en raison du coronavirus. L'artiste avait tout préparé.
"Christo et Jeanne-Claude, Paris!" marque ainsi, mercredi 1er juillet, la réouverture du grand musée national d'art contemporain, après une fermeture financièrement douloureuse. La mort, le 31 mai à New York à 84 ans, du grand plasticien médiatique, pourrait contribuer à booster la fréquentation.
Le miracle du Pont-Neuf
L'exposition propose une fascinante visite à travers tous les travaux préparatoires, collages, études, maquettes du projet du Pont-Neuf, et ce qui avait conduit l'artiste à vouloir "empaqueter" les grands monuments symboles, du Reichstag aux Gates de Central Park à New York en passant par les Floating Piers du lac d'Iseo en Italie.
Le Pont-Neuf, ce furent 40'000 m2 de tissu beige, des kilomètres de cordes, des plongeurs, des cordistes, toutes sortes de métiers sous l'oeil médusé des Parisiens... Les matériaux, les éléments d'ingénierie sont aussi présents dans l'exposition, avec de belles photos d'époque.
Un couple mythique
C'est en 1958, que, fuyant le communisme, le jeune Bulgare Christo Vladimiroff Javacheff, né en 1935, arrive à Paris. Il y restera jusqu'en 1964 et unira son destin à Jeanne-Claude Denat de Guillebon, fille d'un proche du général de Gaulle, née exactement le même jour que lui mais décédée dix ans plus tôt, en 2009. Le couple a marqué l'histoire de l'art du XXe siècle.
"Cette exposition s'appelle Christo et Jeanne-Claude, les deux noms doivent rester indissociables", souligne Sophie Duplaix, commissaire de l'exposition, qui évoque un duo "très amoureux". "Ils semblaient ne faire qu'un", Jeanne-Claude jouant un rôle de premier plan pour la communication et la mise en oeuvre des projets artistiques.
Même si le Pont-Neuf n'a été emballé que quinze jours, du 22 septembre au 7 octobre 1985, il a fallu dix ans pour passer de l'idée à sa réalisation. Le projet commence dès 1975 et va se décliner avec toutes les tractations menées avec les politiques. Le maire de Paris à partir de 1977, Jacques Chirac, était "favorable à l'idée" mais "extrêmement réservé par rapport à son électorat". Jeanne-Claude saura jouer de ses entrées dans les milieux gaullistes.
Une vision politique
Au départ, Christo travaillait sur les surfaces plissées, rigidifiées avec de la laque. Progressivement ce travail va se développer avec l'empaquetage d'objets. Il préférait le mot "empaqueter" à "emballer" qui lui évoquait trop la société de consommation qu'il dénonçait. De par ses origines, Christo avait une très forte conscience politique. Il était important pour lui d'intervenir dans l'espace public.
En mars dernier, deux mois avant la mort de l'artiste le 31 mai, Marc Lasvignes, président du Centre Georges-Pompidou, disait de lui: "Christo adore le travail de conviction: il aime apostropher les gens, ferrailler au propre comme au figuré. A la limite parfois, on se dit qu'il est un peu déçu quand il a l'impression que les choses se passent un peu facilement".
afp/mcm
"Christo et Jeanne-Claude Paris!", Centre Pompidou, du 1er juillet au 19 octobre