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L'amour du risque et les risques de l'amour au coeur d'une exposition

Sandrine Pelletier, vue de l'exposition  "C'est certain, seul l'Amour sauvera le monde", Galerie C, 2020. [Galerie C.]
Lʹamour, cʹest risqué. / Vertigo / 5 min. / le 28 septembre 2020
La Galerie C de Neuchâtel a invité quatre artistes à plancher sur le sujet suivant: "C’est certain, seul l’amour sauvera le monde". Une exposition aussi troublante qu'inspirante.

Le titre est flamboyant, plein de promesses: "C'est certain, seul l'amour sauvera le monde". Mais de quel amour parle-t-on? La passion? L'amitié? L'amour individuel ou collectif? L'éros ou l'agape? Toutes les options sont possibles, et c’est en cela que l'exposition de la galerie C à Neuchâtel est inspirante, pleine de contrastes et de vibrations.

Il y a des travaux directement liés à l’amour ou d'autres plus métaphoriques comme ce gigantesque collage de Sandrine Pelletier qui hante les murs de la première salle. Il s'agit d'un collage sauvage aux couleurs cendre et rouille, un collage d’images prises entre Beyrouth et Le Caire, des villes au destin martyrisé. Ici le végétal transperce le béton, trouve sa place dans les interstices, s'y faufile et fait tomber le dur.

L'écosexualité

Zheng Bo, vue de l'exposition "C'est certain, seul l'Amour sauvera le monde , Galerie C, 2020". [Galerie C]
Zheng Bo, vue de l'exposition "C'est certain, seul l'Amour sauvera le monde , Galerie C, 2020". [Galerie C]

Il y a ensuite le travail de l'artiste basé à Hong Kong, Zheng Bo, dont on perçoit d’abord les sons, des gémissements très érotiques, avant d’entrer dans une installation faite de vraies fougères et de quatre vidéos posées au sol.

Ces vidéos éco-queer nous transportent dans une forêt de Taiwan, et comme des voyeurs nous regardons des jeunes hommes faire l’amour à des plantes. L'artiste, qui imagine l'avenir du point de vue des communautés marginalisées et des plantes marginalisées, entend cultiver la sagesse écologique au-delà de l'éventuelle extinction humaine. Une déclaration d'amour aussi troublante qu'intrigante.

Chasse à l'homo

On bascule ensuite dans une réalité moins cosmique avec la série de photos de Laurence Rasti, inspirée de la déclaration du président iranien Mahmoud Ahmadinejad, le 24 septembre 2007: "En Iran nous n’avons pas d’homosexuels".

Une photo du travail "Il n'y a pas d'homosexuels en Iran" de Laurence Rasti. [DR - Laurence Rasti]
Une photo du travail "Il n'y a pas d'homosexuels en Iran" de Laurence Rasti. [DR - Laurence Rasti]

La photographe irano-suisse est partie à la rencontre de ceux qui ont choisi la fuite pour vivre leur amour et échapper à la peine de mort promise par leur pays s'ils étaient découverts. Son travail l’a ainsi menée à Denizli, petite ville de Turquie par laquelle transitent ces centaines de réfugiés homosexuels iraniens, en attente d’une autorisation providentielle pour rejoindre une terre d’accueil synonyme de liberté retrouvée.

Inspiré par "Au-dessous du volcan"

Enfin, l'amour peut aussi se conjuguer au passé, comme une harmonie à jamais perdue, un retour à l'amour impossible. A l'image du couple du roman de Malcolm Lowry "Au-dessous du volcan" qui se donne douze heures, le Jour de la Fête des morts au Mexique, pour tenter de se retrouver.

Alain Huck, vue de l'exposition "C'est certain, seul l'Amour sauvera le monde", Galerie C, 2020. [Galerie C]
Alain Huck, vue de l'exposition "C'est certain, seul l'Amour sauvera le monde", Galerie C, 2020. [Galerie C]

Une scène du livre en particulier a retenu l'attention du plasticien Alain Huck, celle où le couple découvre dans la vitrine d'un imprimeur la photo noire et blanche d'un bloc hiératique fendu en deux parties, comme irréconciliables. Titre de cette image: "la Despedida" qui signifie l'adieu, la rupture. L'artiste veveysan va alors décliner cette "despedida" dans une série de dessins en noir et blanc. "J'ai cherché des Alpes vaudoises au Tessin des blocs hiératiques spectaculaires. Je les ai photographiés puis, par la puissance du dessin, fracturés en deux" explique l'artiste qui, pour rebondir sur le titre de l'exposition, se dit "un passionné du monde".

Florence Grivel

Adaptation web: Marie-Claude Martin

L'exposition collective "C’est certain seul l’amour sauvera le monde", à La Galerie C de Neuchâtel jusqu’au 31 octobre 2020.

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