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Décès de Frank Horvat, photographe complet, toujours à l'avant-garde

Frank Horvat durant une de ses expositions à Berlin, en 2012. [AFP PHOTO - JOHN MACDOUGALL]
Mort de Frank Horvat, l’un des derniers grands photographes des années 50 / Le Journal horaire / 21 sec. / le 21 octobre 2020
Le photographe Frank Horvat, grand voyageur, observateur de la mode et de la rue, auteur de saisissants portraits de femmes, est décédé à l'âge de 92 ans.

D'origine italienne, né en 1928 à Abbazia (aujourd'hui en Croatie) de parents médecins, juifs et originaires d'Europe Centrale, Frank Horvat a vécu en Suisse, en Italie, au Pakistan, en Inde, en Angleterre et en France, où il s'est installé à la fin des années 1950.

Inlassable voyageur, curieux et touche-à-tout, il accueillait toute nouvelle technologie avec gourmandise, sachant qu'elle lui ouvrirait de nouveaux horizons. C'était un grand photographe par la diversité de ses images, du reportage à la photo de mode, de son essai photo-philosophique sur les arbres à ses sublimes portraits de femmes.

De la photographie, il disait: "L'acte le plus difficile est celui qu'on croit le plus simple: percevoir d'un regard en éveil les choses qui se présentent à nos yeux". 

Rencontre déterminante

C'est en 1950 que Frank Horvat fait la connaissance de celui qui décidera de son destin, le photographe Henri Cartier-Bresson qui l'incite à entreprendre un voyage de deux ans en Asie, en tant que photojournaliste indépendant. Ses images en noir et blanc lui valent ses premiers succès.

Mais l'amitié entre les deux photographes se gâte au bout de quelques années. Cartier Bresson qui a fait entrer son poulain à l'agence Magnum en 1960, l'en expulse peu près. Il faut dire que Frank Horvat a acquis une renommée internationale avec ses photos de mode qui renouvellent le genre, en y injectant du mouvement et du réel. Fini les mannequins figés dans des poses improbables en studio. Il les fait descendre dans la rue, sauter, danser et rire. Bref, il en fait des modèles vivants!

Pour Cartier Bresson, c'est une trahison: on ne peut pas à la fois diriger et ne pas diriger. Il l'accuse de faire du "pastiche". 

Partagé entre la saisie de l'immédiateté et la nostalgie, Frank Horvat est aussi l'auteur de trois essais photographiques en couleurs, destinés à des expositions et à des livres.

En 2000, le musée Maillol, à Paris, lui a consacré une double exposition avec des "vintages" (tirages d'époque) de "Paris 1950", mais aussi "1999, un journal photographique", chronique de choses vues pendant 360 jours, qu'il avait défini comme "une sorte de tableau composite de (son) horizon visuel".

Je n'ai pas fait de photos de guerre, de misère, de souffrance ou de folie: non pas par indifférence à ces malheurs, mais parce que je ne me sens ni la justification morale, ni le courage physique pour affronter de telles situations en tant que photographe.

Frank Horrvat, photographe.

Son lien avec la Suisse est profond puisqu'il a vécu, dès l'age de 11 ans avec ses parents, à Lugano pour fuir la facisme. Il disait en 2010, alors que la ville lui décernait un prix, avoir "apprécié la diversité culturelle de cette zone frontière". C'est au Tessin également qu'il a obtenu sa maturité et qu'il a acheté son premier appareil photo.

Frank Horvat s'est éteint alors que la galerie Lelong à Paris lui consacre, en ce moment et jusqu'à la fin du mois, une exposition représentant une série de portraits sensuels et colorés de femmes dans la tradition de la peinture classique. Il avait choisi de reconstituer des tableaux célèbres en faisant poser des modèles féminins contemporains.

Marie-Claude Martin avec les agences

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