"Le mal du voyage", un titre prophétique
Après deux ans de travaux, le musée d'ethnographie à Neuchâtel rouvre début 2020 sa black box, son grand espace d'exposition et propose "Le mal du voyage", un zoom sur le tourisme comme objet d'anthropologie. En ce début février 2020, on ne sait pas encore ce qui nous attend en termes de déplacement, de loisirs ou professionnels.
Exposition passionnante à la scénographie originale, pensée en douze sections, on est embarqué dans les paradoxes du tourisme, un fléau et/ou une grâce qui démarre au XVIIIe siècle. On y apprend qu'une des amorces au tourisme, c'est le fameux Grand tour, ce voyage en Europe que pratiquent les jeunes gens aisés de la société européenne pour élever leurs centres d'intérêt et parfaire leur éducation.
Du tourisme d'exception au tourisme de masse, nous avons toutes et tous envie d'échapper à l'étiquette du touriste et nous raffolons de l'exclusivité. L'exposition nous le démontre avec toutes sortes de tourismes: quêtes de santé mentale et physique, appétit du monde ou de la transgression, sports extrêmes, drogues, sexualités interdites, et blues du retour qui va déboucher sur de nouvelles envies de voyage.
Mais attention, touriste un jour, touriste toujours!
Hopper, le peintre cinématographique
C'est l'hiver toujours, et une des expositions événements de l'année. L'immense peintre américain Edward Hopper est à l'honneur à la Fondation Beyeler.
On se souvient de ces expos mémorables à la Fondation de l'Hermitage à Lausanne et au Grand Palais, à Paris. L'intérêt de cette exposition en Suisse alémanique réside dans le fait que la Fondation a travaillé main dans la main avec le Whitney Museum of American Art, New York, gage d'excellence et d'exclusivité puisque le musée dispose de la plus importante collection au monde d'œuvres d'Edward Hopper.
Le public découvre les paysages de l'ouest américain et les paysages urbains que Hopper dépicte avec un œil cinématographique: personnages solitaires, assis sur un lit, le visage balafré d'un rai de soleil; pompes à essence d'un rouge rutilant qui brillent dans la nuit américaine sauvage.
>> A lire, le grand format consacré à Hopper : Edward Hopper: le peintre adulé des cinéastes
La peinture de Hopper est une pulsation lente. Il n'aura réalisé que 366 tableaux durant sa longue carrière. Peintre de l'instant qui bascule, on est suspendu dans des visions qui n’apportent aucune solution à la tension qui règne. Que raconte-t-il ou plutôt que nous racontons-nous face à ces œuvres énigmatiques et silencieuses? Le réalisateur lausannois Lionel Baier expliquait pourquoi la peinture de l'Américain fait immédiatement penser au cinéma.
Rivaliser de créativité dans un printemps semi-confiné
Les musées, centres d'art, galeries, festivals sont fermés. Comment créer de la matière première pour nos auditeurs⸱trices? Deux séries sont nées à la faveur de cette période qui nous a poussé⸱e⸱s à vivre en tête à tête avec notre monde domestique, peuplé d'objets de toutes sortes, aussi fonctionnels qu'incongrus.
Vendredi 13 mars à 16h00 le Mudac comme les autres musées doit fermer sa dernière exposition "Extraordinaire!" avant de déménager à Plateforme 10 en 2021. Lorsque la crise a paralysé le cours des choses, le projet baptisé "Objectivement vôtre" a vu le jour. Au total, 10 séquences découvertes d'objets appartenant aux collections du Mudac. Parmi elles, un collier serpent, un sac poubelle en céramique, une ampoule molle, des papiers d'agrumes qui sentent bon le sud racontés par les conservateurs⸱trices du Mudac.
On rouvre avec Casanova et le docteur Tissot
Dans ce printemps qui exalte tous ses atours, avec ce soleil infini, cette nature explosive, la réouverture des lieux d'art est une grande joie.
C'est d'autant plus puissant lorsqu'on se rend au Château de Prangins-Musée national, où l'exposition "Plus si affinités" se penche sur la sexualité au XVIIIe siècle, en cette période qui préconise les gestes barrières et la distanciation physique!
A la faveur de plusieurs chapitres, on découvre cette époque elle aussi tendue de paradoxes, comme ces deux sommités très contrastées: d'un côté Casanova qui entreprend en 1760 un voyage en Suisse plus que libertin et de l'autre, le docteur Tissot, fervent opposant à la masturbation, défenseur de la conjugalité et d'une sexualité dédiée à la procréation.
Jeanne-Odette, la consécration à 90 ans
Jeanne Odette est née en 1930 à Bienne. Passionnée par la matière, la terre, le fil, le textile, par tout ce qui parle à ses mains, elle va développer une oeuvre qui n'a de cesse d'évoluer, de se libérer.
Une artiste toujours en mouvement, qui a été à bonne école à ses débuts avec Elsi Giauque une grande pionnière de la tapisserie moderne.
Mariée à l'artiste Claudévard, peintre et graphiste, elle le suit à la Brévine au début des années 1950:une vie à la fois rude et riche de rencontres fertiles. Tout en élevant trois enfants, elle oeuvre à quatre mains avec son mari dans la réalisation de tapisseries monumentales pour des lieux publics, mais ne perd par le fil de son chemin personnel de création.
Depuis 60 ans, Jeanne Odette vit dans un petit village de la vallée de la Brévine. Après le décès de son mari en 2004, elle poursuit sa vie, son art; elle coud, dessine, assemble, tisse. En cet automne 2020, le Musée des Beaux-arts de La Chaux-de-Fonds lui consacre enfin une grande exposition personnelle permettant de prendre la mesure de sa contribution à l’art textile. A découvrir jusqu'au 17 janvier 2021.
Florence Grivel/mcm