Un film raconte Gilles Caron, étoile filante du photojournalisme
Gilles Caron, alors qu'il est au sommet d'une carrière de photojournaliste fulgurante, disparaît au Cambodge en 1970, à l'âge de 30 ans, alors qu'il était résolu à quitter cette profession. En l'espace de six ans, il a été l'un des témoins majeurs de son époque, couvrant pour les plus grands magazines la guerre des Six Jours, son premier grand reportage en Israël, mai 68, le conflit nord-irlandais, les manifestations réprimées une année après le Printemps de Prague ou encore la guerre du Vietnam.
Le documentaire "Gilles Caron - Histoire d'un regard", de Mariana Otero, revient de façon très personnelle sur le parcours intense du photographe français dont on ne connaît toujours pas les circonstances exactes de la mort. Pas de corps ni de dépouille pour apaiser ses proches. Seules traces de cette absence, des multitudes d'images à tenter de déchiffrer. Quelque 100'000 photos au total.
Raconter l'actualité à travers un individu
La particularité du travail visuel emblématique de Gilles Caron est qu'il s'attache le plus souvent à suivre une personne en particulier pour dire le monde. Une manière souvent pour lui d'humaniser le reportage de guerre en étant au plus près de son sujet. "Ce qui m'a plus, c'est justement cette manière de raconter les événements à travers un individu, une singularité. (...) C'est pour cela je crois que cinquante après, ses photos nous concernent toujours", explique à la RTS Mariana Otero.
Gilles Caron découvre la photographie en immortalisant sa fille aînée à l'âge d'un an. Avant de faire des photos professionnelles en couvrant l'actualité du spectacle et de la politique. Il commence son métier à l'agence Apis (Agence parisienne d'information sociale), puis dès 1967 il entre dans la toute nouvelle agence française Gamma, fondé par Raymond Depardon, Hubert Henrotte, Hugues Vassal and Léonard de Raemy.
Un photojournaliste engagé
C'est à ce moment-là qu'il croise à maintes reprises Daniel Cohn-Bendit à la Sorbonne lors des événements de mai 1968. La série de clichés qu'il en tirera va devenir historique. "Son objectif me surprend et me voilà devenu pour tous Till l'Espiègle chantant L'Internationale à la barbe d'un CRS casqué. La photo voyage depuis ce matin-là. C'est elle qui donnera à la révolte de 68 sa dimension gaie et ludique (...) ma mémoire des événements de 68 est structurée par ses photos ", écrit Cohn-Bendit dans le livre de la collection Photo Poche/Actes Sud consacré à Caron.
Mariana Otero réalise le portrait du photojournaliste à travers cette image symbolique et de nombreux autres clichés, comme ceux saisis durant la guerre civile du Biafra au Nigéria qui a durablement marqué Caron. Faisant revivre un homme dont les photographies révèlent aussi l'engagement. Il s’interroge ainsi sur les aspects éthiques et déontologiques de son métier et sur le rôle qu’il joue dans le système de l’information, en expansion dans la société des années soixante.
Gilles Caron a montré un sens aigu et immédiat de l’image dynamique et forte, presque picturale. Henri Cartier-Bresson estimait ainsi que le photographe était "le Robert Capa français".
Propos recueillis par Pierre Philippe Cadert
Texte et adaptation web: Olivier Horner
"Gilles Caron - Histoire d'un regard", de Mariana Otero, est à voir sur le site Filmingo.