La Bibliothèque de Genève propose une exposition sur l'affichage sauvage des années 1970 et 1980. Durant cinq mois, le public peut découvrir ou redécouvrir des placards militants ou contestataires d'époque dans l'exposition "Affiches sauvages, mémoire militante".
Pour Nicolas Schaetti, conservateur responsable des collections spéciales de la Bibliothèque de Genève, revenir aujourd'hui sur cette période était important car beaucoup de choses se sont jouées à ce moment-là.
"On a pris contact avec les Archives contestataires, qui réunissent aussi des fonds très riches sur cette période, pour mettre en valeur, à travers une exposition à la fois virtuelle et réelle, ce patrimoine", explique-t-il.
Des combats multiples
L'exposition montre l'extrême diversité des combats qui ont été menés à partir de 1975, une période très agitée: le choc pétrolier de 1973, et les deux années qui suivent seront marquées par une dépression économique, la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale.
Le plein emploi et l’essor industriel des "Trente Glorieuses" sont mis à mal dans les pays occidentaux.
Il y a aussi l'importante opposition en France et en Suisse à la construction de la centrale de Creys-Malville, où se situe le réacteur nucléaire Superphénix, démarrée en 1976. "L’été des libertés" connaîtra alors de violents affrontements avec la police, au cours desquels un manifestant, Vital Michalon, est tué. Le super-réacteur ne sera définitivement arrêté que vingt ans plus tard.
"Plus de 200 collectifs se sont créés durant cette période. Ils ont tous produit des affiches, des tracts. La résonance avec les combats d'aujourd'hui est frappante", relève Nicolas Schaetti.
L'effervescence de l'époque est aussi due aux mouvements de libération des femmes. Le logement, la protection du patrimoine et la lutte contre la destruction des quartiers sont des combats récurrents, tout comme la lutte internationale contre les dictatures, contre l'impérialisme.
"La période où l'Espagne devient libre suscite énormément d'effervescence à Genève, comme dans le reste de la Suisse et de l'Europe, et ça produit des images qui sont assez extraordinaires parce qu'elles se caractérisent par une très grande liberté graphique", indique le conservateur de la Bibliothèque de Genève.
L'affichage sauvage... en liberté
Au début du 21e siècle, il y a eu une réaction contre cet affichage sauvage, liée au développement du graffiti. Aujourd'hui, il est beaucoup plus difficile de coller des affiches librement dans les villes. La liberté des années 1970 et 1980 permet l'existence d'une telle exposition. En raison des réglementations de plus en plus restrictives, elle ne pourrait pas être montée dans quelques années.
"A l'époque, il n'y avait ni internet, ni réseaux sociaux. Aujourd'hui, cette créativité se retrouve sur d'autres supports. C'est ce qu'il faudra montrer", explique Nicolas Schaetti.
Propos recueillis par Coralie Claude
Adaptation web: Miruna Coca-Cozma
"Affiches sauvages, mémoire militante", Bibliothèque de Genève, jusqu'au 4 septembre.