François Pinault s'offre le coeur de Paris pour abriter sa collection d'art

Faire d'une ancienne halle aux blés et bourse de commerce un centre d'art contemporain! Le milliardaire François Pinault, déjà à la tête de deux importants musées à Venise, le palais Grassi et la Punta della Dogana, a trouvé son nouvel écrin pour abriter sa vaste collection.

Retardée par le Covid, l'inauguration samedi 22 mai de la Bourse de commerce-Pinault débutera avec l'exposition "Ouverture", un premier accrochage imaginé par François Pinault lui-même qui a voulu mettre en avant la diversité, l'audace et les jeunes talents, avec une présence très importante d'artistes africains ou afro-américains et de femmes.

Mariant intérieurement ancien et contemporain,  la Bourse de commerce donne un sentiment d'espace et d'harmonie, éclairée par une sublime verrière du XIXe siècle, une fresque circulaire de 140 mètres de long qui témoigne des échanges commerciaux et coloniaux d'alors et des baies donnant sur Paris, de Saint-Eustache au Forum des Halles.

L'architecte japonais Tadao Ando, Prix Pritzker d'architecture 1995, a fait couler à l'intérieur un cylindre de béton brut de 9 mètres de long et 29 de diamètre, un élément central qui structure l’espace d’exposition et distribue la circulation dans les différents étages. C'est ce même architecte qui avait restauré les deux musées vénitiens de François Pinault.

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AFP - Martin BUREAU

Même architecte que pour ses deux bâtiments vénitiens

Pour l'architecte Pierre-Antoine Gatier chargé des monuments historiques, le geste contemporain de Tadao Ando est radicalement différent de celui de Ieoh Ming Pei avec la Pyramide du Louvre il y a 31 ans: "Son oeuvre ne se voit pas de l'extérieur, il était impossible pour Ando de venir intervenir dans l'espace parisien. La philosophie du projet était la rencontre entre histoire et création contemporaine, qui ne sont pas des mondes séparés".

L'autre philosophie de ce nouveau lieu culturel semble être la modestie puisque rien de ce qui existait dans le bâtiment n'a été supprimé, à l'instar des machines de refroidissement des anciennes halles, et que l'aménagement intérieur, d'une discrète élégance, a été confiée aux frères designers bretons Erwan et Ronan Bouroullec.

Le suisse Urs Fischer à l'honneur

Peintures, sculptures, installations, photographies, vidéos, oeuvres sonores seront exposées dans une dizaine d'espaces modulables sur 6.800 m2 d'espaces d'expositions. A cela s'ajoutent de nombreux équipements: restaurant de Michel et Sébastien Bras, auditorium, librairie.

Au milieu du cylindre d'Ando, l'artiste suisse Urs Fischer a répliqué en cire la sculpture florentine de "L'enlèvement des Sabines" de Giambologna, commandée au XVIe siècle par les Medicis. Cette oeuvre va se consumer en continu, petit à petit, jusqu'à disparaître. Plus de 400 ans plus tard, l'industriel du luxe qui le contrôle de la maison de ventes aux enchères Christie's, a choisi cette sculpture éphémère pour ouvrir l’exposition inaugurale de son musée et rappeler que tout n'est que vanité, illusion et fuite des choses.

Tout autour, quarante vitrines restaurées datant de 1889 contiennent des oeuvres ironiques du plasticien Bertrand Lavier sur la société contemporaine.

Quelque 32 artistes sont exposés dès samedi, dont 30 oeuvres de l'artiste afro-américain David Hammons, très impliqué dans les questions raciales et sociales.

La Bourse du commerce représente pour François Pinault, fils de fermier breton devenu l'une des grandes fortunes françaises, le couronnement d'une vie: avoir un lieu prestigieux à Paris où présenter une partie de sa collection de 10.000 oeuvres de près de 380 artistes, amassée des années 1960 à nos jours. Et marquer un point face à son rival en fortune et mécénat, Bernard Arnault qui inaugurait en 2014 la Fondation Louis-Vuitton conçue par Frank Gehry dans le Bois de Boulogne.

afp/mcm