Arles s'enrichit d'une tour Gehry, avec un campus artistique, financée par une Suissesse
Concepteur du musée Guggenheim de Bilbao enrobé de titane ou du Walt Disney Concert Hall à Los Angeles, Frank Gehry, 92 ans, a enveloppé de 11'000 panneaux d'inox cette tour ceinte à sa base d'une vaste rotonde en verre, le "drum". Elle abrite des expositions d'art contemporain, une bibliothèque, des bureaux...
De loin, l'édifice torsadé reflète les lumières changeantes de cette ville qui inspira Vincent Van Gogh et prend les teintes calcaire du massif des Alpilles. Sa structure, rappelant un amas de bloc rocheux, s'embrase d'orangé au soleil couchant.
"C'est une ville qui connaît la monumentalité architecturale depuis qu'elle a été fondée", rappelle le directeur de Luma Arles, Mustapha Bouhayati, en évoquant les arènes et le théâtre antique romains. La tour Luma est "une continuité de cette monumentalité architecturale (...) on construit ici un peu le patrimoine de demain". La Fondation Luma est dédiée au soutien de la création artistique contemporaine.
Entré dans le paysage
Comme souvent, lorsque l'architecture moderne rencontre le patrimoine ancien, les discussions sont allées bon train entre partisans et détracteurs de la tour, même si après des années de construction, elle semble désormais "entrer dans le paysage" arlésien.
"Je m'intéressais moins à la fonctionnalité de cette immeuble qu'à son pouvoir d'inspiration", déclare Maja Hoffmann, samedi dans le 19hh30.
Je m'intéressais moins à la fonctionnalité de cette immeuble qu'à son pouvoir d'inspiration
La mécène, héritière du géant pharmaceutique bâlois Hoffmann-Laroche, devenu Roche, voit l'édifice comme un "phare" de son complexe Luma Arles qu'elle inaugure samedi sur onze hectares d'une friche industrielle.
Outre sa tour, Luma compte des espaces d'exposition et de performance. Mais aussi un skatepark phosphorescent, créé par l'artiste coréenne Koo Jeong A, et un vaste parc public conçu par le paysagiste belge Bas Smets réalisé en partenariat avec la ville d'Arles.
Une mécène dans l'art contemporain
Maja Hoffmann navigue dans le monde de l'art contemporain, dans la lignée de sa grand-mère. "Productrice" d'oeuvres, collectionneuse, elle détient des archives des photographes Annie Leibovitz ou Diane Arbus, des oeuvres de la peintre et écrivaine libanaise Etel Adnan, et raconte avoir côtoyé Jean-Michel Basquiat à New York.
Une partie de sa collection est présentée de manière "éphémère" dans une des salles de la tour, dont un amusant "Théâtre d'ombres" de l'Allemand Hans-Peter Feldmann associant aussi bien un fouet de cuisine qu'un canard ou une statue de la liberté en plastique.
Des critiques d'habitants
Pourquoi à Arles, ville de 53'000 habitants? "Je suis plus la cosmopolite que la Suissesse. Mais je suis aussi la Camarguaise", explique en souriant Maja Hoffmann, qui rappelle être arrivée dans la ville "à l'âge de 15 jours" avec sa famille.
Elle souhaite toutefois rester discrète sur le montant investi dans ce lieu où elle voudrait que se croisent "l'écologie, les droits de l'homme et l'art".
Le pouvoir politique d'une héritière pharmaceutique sur une ville ou encore l'arrogance d'une jet-set artistique, dont la tour est l'une des illustrations manifeste au service de l'exclusion des classes populaires arlésiennes
Sur les investissements de la mécène, des critiques se font toutefois entendre aussi. Le collectif Les voisins vigilants a publié le jour de l'inauguration de la tour Luma un recueil de textes intitulé "Manger Luma": "Le pouvoir politique d'une héritière pharmaceutique sur une ville ou encore l'arrogance d'une jet-set artistique, dont la tour est l'une des illustrations manifeste au service de l'exclusion des classes populaires arlésiennes."
Maja Hoffmann se défend: "Un programme artistique doit être soutenu par un programme d'hospitalité. Cela se fait partout dans le monde. Nous sommes une petite partie d'Arles, je crois 3% de toute l'hôtellerie. Ce n'est pas acheter tout Arles."
vajo avec afp