L'artiste français contemporain Christian Boltanski est décédé à 76 ans
"Il est mort ce matin à l'hôpital Cochin, où il était depuis quelques jours. Il était malade. C'était un homme pudique, il a caché les choses aussi longtemps qu'il a pu", a annoncé mercredi Bernard Blistène, ami de longue date de l'artiste et ancien directeur du musée d'art moderne au centre Pompidou qui lui avait consacré une exposition en 2020.
Fils d'un médecin juif converti d'origine ukrainienne et d'une Corse catholique, Christian-Liberté Boltanski est né le 6 septembre 1944. Pendant l'Occupation, sa mère atteinte de polio cache son père sous le plancher de l'appartement. Ils simulent un divorce et prétendent que le père a quitté Paris. Son neveu Christophe Boltanski raconte cette famille atypique dans "La Cache", salué par le prix Femina 2015.
"Ethnologue de lui-même"
Son enfance marquée par la Shoah imprégnera son oeuvre tout au long de sa vie. Celui qui se considérait comme un artisan de la mémoire a "lutté contre l'oubli et la disparition" par des oeuvres mêlant objets hétéroclites, vidéos, photographies et installations.
Avec les années, le plasticien de la quête d'identité s'est transformé en scénographe d'oeuvres éphémères spectaculaires, installées dans des lieux emblématiques.
En 1968, il publie son livre-manifeste "Recherche et présentation de tout ce qui reste de mon enfance, 1944-1950". Ce grand lecteur de Proust et de Perec devient un"ethnologue de lui-même", reconstitue des objets ou des situations de son enfance dans son atelier installé à Malakoff, aux portes de Paris.
"Je cherchais à retrouver mon passé et le réinventais à la fois, avec des images des autres, dans lesquelles chacun pouvait se retrouver", avait-il expliqué.
Chocs visuels
"C'est une très grande perte", a déploré Bernard Blistène, qui le côtoyait depuis une quarantaine d'années. "Il aimait par-dessus tout cette transmission entre les êtres, par des récits, par des souvenirs. Il restera comme un des plus grands conteurs de son temps. C'était un inventeur incroyable".
En 2020, le Centre Pompidou lui avait consacré une exposition, "Faire son temps", conçue comme une gigantesque oeuvre unique. Avec lui, "une exposition était comme un véritable récit, comme un grand mouvement", se souvient encore Bernard Blistène.
L'évènement s'ouvrait sur un choc visuel: une vidéo d'un homme assis qui ne cesse de vomir. Vidéo qui dit l'enfermement connu par sa famille durant la guerre et les années qui suivirent, imprégnées du récit de la Shoah.
On retiendra aussi d'autres projets iconoclastes: l'artiste avait compilé sur une île japonaise les battements de 75'000 coeurs, vendu sa vie en viager à un collectionneur en Tasmanie et tenté de parler avec les baleines de Patagonie.
ats/jop