"La définition du bonheur longtemps déléguée aux religions, aux philosophies ou même au politique, est aujourdʹhui entre les mains de lʹindustrie pharmaceutique qui déploie tous les outils contemporains (la science, le marché, la communication) pour offrir une réponse standardisée aux ultimes aspirations humaines". Ainsi est introduite l'exposition "Happy Pills", dérivée d'un documentaire et d'un livre dʹArnaud Robert et Paolo Woods.
L'auteur-journaliste, collaborateur régulier de la RTS, et le photographe sont partis cinq ans durant à travers le monde en quête de ces pilules qui pansent et apaisent les blessures de l'âme ou du corps humains, dopent notre activité physique ou psychique. Du Niger aux États-Unis, de la Suisse à l’Inde, d’Israël en Amazonie, ces molécules "offrent des solutions immédiates là où il n’y avait que d’éternels problèmes".
Notre relation quotidienne à la chimie interrogée
La pilule a remplacé toutes les prières et la petite pastille fait toujours effet. A travers "Happy Pills", les deux complices interrogent nos us et coutumes en relation à cette chimie quotidienne. Pour l'exposition, ils ont rapporté des photographies, des vidéos, des captations d’écran, du son. A la Ferme des Tilleuls, chaque salle est pensée comme un monde en soi avec son écriture et son esthétique, avec comme sceptre une tour de médicaments et des photos qui vont avec achetées en Haïti.
Imaginez ici un marchand ambulant de médicaments qui punaise les pastilles multicolores de façon assez aguichante sur une sorte de sucette géante. Le marchand bonimenteur, charlatan des temps modernes, transporte cette tour dans les rues et vend souvent à la pièce des pastilles qui sont soit périmées, pas adéquates pour votre problème, ou s'avèrent non homologuées.
Disparités socio-économiques montrées
"Happy Pills" est une exposition surprenante et puissante, mais pas moralisatrice. Arnaud Robert et Paolo Woods s'introduisent même en mentionnant les médicaments (et leur posologie) qu'ils doivent ingérer quotidiennement...
François Hebel, commissaire de l'exposition et consommateur comme nous de médicaments, estime pour sa part "que l'exposition n'exclut pas les visiteurs (...) Elle inclut les extrêmes de notre société, son rapport à la médecine tant du point de vue de l'industrie pharmaceutique que de celui des consommateurs". Et de relever qu'"on se sent très impliqué au fil de l'exposition. Nous nous situons en réalité sur le même plan que ceux qui dans les photographies déballent leur pharmacie domestique". Il insiste aussi sur les disparités socio-économiques de notre rapport aux médicaments montrées dans "Happy Pills", qui diffèrent selon "les pays, la pauvreté ou la richesse de sa population".
Sujet radio: Florence Grivel
Adaptation web: Olivier Horner
Exposition "Happy Pills", Ferme des Tilleuls, Renens, jusqu'au 16 janvier 2022.