Des hommes et des femmes, issus des communautés autochtones, alertent depuis longtemps sur l'urgence climatique. Car l'injustice environnementale menace leur économie, leur santé et leurs cultures. Le Musée d'ethnographie de Genève (MEG) a voulu leur donner la parole.
"Cela nous semblait naturel d'impliquer la perspective autochtone, car les peuples autochtones dénoncent depuis très longtemps les dégradations environnementales, les changements climatiques qui les affectent directement", explique à la RTS Carine Ayélé Durand, conservatrice en chef et commissaire de l'exposition "Injustice environnementale, alternatives autochtones".
Ces populations sont vulnérables, parce que leur subsistance dépend étroitement de leur milieu naturel. Au MEG, les artistes nous invitent à réfléchir sur la nécessité de préserver ce qui nous entoure.
Ainsi, le sculpteur Ts’msyen David Robert Boxley, né et basé à Metlakatla dans le sud-est de l’Alaska, a créé cinq masques spécialement pour l'exposition. Ils sont inspirés d’un conte qui nous apprend à respecter les saumons, car la baisse des eaux met à mal cette ressource essentielle pour ce peuple d'Alaska. "Notre culture entière est basée sur les mouvements des saumons, et sur le fait qu'ils apportent la nourriture nécessaire à notre survie. Les humains ne sont pas les dirigeants de cette planète. Nous sommes seulement une espèce parmi tant d’autres", estime l'artiste.
Les humains ne sont pas les dirigeants de cette planète. Nous sommes seulement une espèce parmi tant d’autres.
L'exposition présente donc des pièces créées pour l'occasion. Mais aussi des témoignages, des textes explicatifs, des projections vidéo, des installations. Le MEG a également puisé dans ses propres collections pour donner la parole aux populations autochtones.
Dénoncer l'inertie
"Injustice environnementale, alternatives autochtones" s’articule autour de la situation politique, géographique et sociale de peuples autochtones dans le monde d’aujourd’hui. Elle donne la parole aux Ts’msyen d’Alaska, aux Amazighs du Maroc, aux Anishinaabeg des Etats-Unis et du Canada, aux Samis de Fenno-Scandinavie, aux Māori de Nouvelle-Zélande, aux Maasaï du Kenya et de Tanzanie, aux Aïnous du Japon, aux Insulaires des Îles Marshall ou encore aux Kali’na de Guyane.
L'exposition rappelle aussi que l’histoire des peuples autochtones est liée à la Genève internationale. Leur reconnaissance a débuté dès 1923 à la Société des Nations, l'ancêtre de l’Organisation des Nations unies. A l'issue de ce long processus de reconnaissance, la Déclaration des droits des peuples autochtones a été adoptée en 2007 [voir encadré].
Mais certaines personnes estiment que la situation évolue peu. Parmi elles, Ti’iwan Couchili, artiste plasticienne de Guyane, descendante de chamanes de traditions teko et wayana. Dans ses peintures, dont certaines sont exposées au MEG, elle dénonce les désordres sociaux et écologiques qu’endurent les communautés amérindiennes de Guyane, en particulier la pollution des eaux par des taux de mercure très élevés. "On appelle au secours mais personne ne nous entend. Si aujourd'hui on ne fait rien, qu’est-ce que ça va être demain?", se demande-t-elle.
Sujet TV: Sarah Jelassi
Adaptation web: Pauline Rappaz
"Injustice environnementale, alternatives autochtones", Musée d'ethnographie de Genève (MEG), jusqu'au 21 août 2022.
Reconnaissance des droits des peuples autochtones
Les peuples autochtones ont le droit de décider de leur propre identité ou appartenance conformément à leurs coutumes et traditions, sans préjudice du droit des autochtones d’obtenir, à titre individuel, la citoyenneté de l’Etat dans lequel ils vivent(Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, 2007, Art.33.1).
Les Parties reconnaissent que l’action pour l’adaptation devrait […] tenir compte et s’inspirer des meilleures données scientifiques disponibles et, selon qu’il convient, des connaissances traditionnelles, du savoir des peuples autochtones et des systèmes de connaissances locaux […] (Accord de Paris sur le climat, 2015, Art. 7.5).