Le Musée d’art et d’histoire de Fribourg et le Fri Art offrent à leurs visiteurs une plongée dans le faste provocant, expérimental et déjanté de l’histoire du Fri Art, centre artistique d’abord itinérant pendant dix ans, puis fixe en s’installant dans la Kunsthalle en Basse-Ville de Fribourg.
Une exposition vivante et riche, réalisée en collaboration avec l’université de Fribourg, qui raconte l’histoire d’une première génération de personnes s’étant battues pour donner naissance à un espace dédié à l’art contemporain. C’est aussi l'occasion de voir des images témoignant de l’état d’esprit de l’époque prises par la photographe Eliane Laubscher, et des archives vivantes qui transportent le visiteur dans le New York des années 1980.
Nicolas Brulhart, directeur du Fri Art, explique à la RTS comment le mouvement artistique fribourgeois est arrivé aux Etats-Unis: "Nous sommes à New York en 1985. Une équipe d’artistes réunis sous le label Fri Art occupent quatre lieux indépendants de Manhattan, qui sont les lieux en vogue du moment dans la scène artistique new-yorkaise. Fri Art fait donc office d’ambassadeur pour les nouvelles pratiques artistiques suisses."
Fri Art, né du vide
Le Fri Art célèbre aussi son fondateur, Michel Ritter, lors d’une exposition en Basse-Ville de Fribourg nommée "Air Power = Peace Power". Pour le nouveau directeur du Fri Art, c’est le face à face: "Il y a un petit effet d’identification, parce que Michel Ritter est avant tout un artiste qui est devenu curateur. Il n’y avait pas grand-chose à Fribourg pour l’art contemporain à l’époque. D’ailleurs, le titre de l’exposition est 'Fri Art est né du vide: l’esprit d’une Kunsthalle'. Un esprit qu’on essaie de prolonger actuellement. Notre exposition veut remettre au goût du jour et montrer les fondations de l’esprit de Fri Art, que nous essayons de prolonger avec des nouveaux outils et des réactions au monde contemporain."
La salle dédiée aux quarante ans de Fri Art est bien remplie. Un personnage important de la scène artistique fribourgeoise et internationale attire l’œil: Jean Tinguely. "Il a poussé Fri Art auprès des politiques à la fin des années 1980 pour que Fri Art obtienne un espace d’art contemporain fixe", explique Nicolas Brulhart. C’est la revendication d’un groupe d’artistes, menés par Michel Ritter, lors de la première exposition Fri Art en 1981. Ils envahissent le centre-ville de Fribourg et investissent un bâtiment voué à la démolition, l’ancien Grand Séminaire. La police séquestre trois tableaux d’un artiste nommé Felix Müller, représentant des hommes nus en érection. Suivra un long procès de sept ans, où Fri Art ira jusqu’à la Cour de droit européen pour les questions de liberté d’expression.
En réponse à cette affaire, Jean Tinguely propose en 1993 le concept d’exposition "Les Müller", qui réunit toutes les personnes s’appelant Müller. "Je peux vous dire qu’il y en a à Fribourg!", blague Nicolas Brulhart. "Il montre que ce n’était pas que les artistes ou les plasticiens qui ont un caractère artistique."
La nouvelle génération reprend le flambeau
La programmation de Fri Art fait place belle aux questions queer et de droit, portées par la nouvelle génération. "Ces questions actuelles étaient aussi traitées dans les années 1980 et 1990. Fri Art exposait de nombreux artistes qui traitaient les questions LGBTQ+ dans les années 1990, précise Nicolas Brulhart. Chaque génération a le droit et la nécessité d’occuper nos espaces, et de montrer aux institutions quelles sont les énergies actuelles."
Propos recueillis par Florence Grivel
Adaptation web: Myriam Semaani
"Fri Art est né du vide - L'esprit d'une Kunsthalle", à voir jusqu’au 17 octobre 2021 au Musée d’art et d’histoire; "Air Power = Peace Power", à voir jusqu’au 9 janvier 2022 à la Kunsthalle Fri Art.