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"Picasso l'étranger": derrière l'artiste, un migrant

A Paris, l'expo "Picasso l'étranger" souligne le pouvoir créatif des difficultés rencontrées par Picasso à son arrivée en France
A Paris, l'expo "Picasso l'étranger" souligne le pouvoir créatif des difficultés rencontrées par Picasso à son arrivée en France / 19h30 / 2 min. / le 17 janvier 2022
L’artiste espagnol Pablo Picasso est exposé au Musée de l’histoire de l’immigration à Paris. Nommée "Picasso l’étranger", l'exposition se concentre sur sa vie d’artiste étranger immigré dans le Paris du début du 20e siècle. À voir jusqu'au 13 février 2022.

C’est l’histoire d’un migrant et d’un génie. Pablo Ruiz Picasso, 18 ans, a confiance en lui lorsqu’il arrive à Paris pour la première fois en 1900. "Il est convaincu qu’il est génial", explique Annie Cohen-Sohal, historienne et commissaire de l’exposition à la RTS. "Son tableau ‘Les Derniers Moments’ est exposé à l’exposition universelle de Paris en 1900. Paris devient la capitale de l’Europe. Picasso arrive à Paris par ‘la porte de service’, la colonie catalane de Paris qui est à Montmartre. À l’époque, c’est un quartier excentré, sale et dangereux."

Un artiste sous surveillance

Picasso découvre la capitale française en faisant le portrait d’individus en marge de la société. Il commence aussi à nouer des liens avec la diaspora artistique et les marchands d’art juifs. Ces occupations le mettent rapidement sous le viseur de la préfecture de police. "Les rapports de la police disaient: 'il se couche tard le soir, ne parle pas français et peut à peine se faire comprendre. Il reçoit des journaux dans une langue que nous ne connaissons pas. Il habite chez un compatriote anarchiste qui lui donne l’asile. De tout ce qui précède, il y a lieu de le considérer comme un anarchiste'", précise Annie Cohen-Sohal.

Picasso Pablo, Minotaure aveugle devant la mer, conduit par une petite fille, (1881-1973). [© Succession Picasso 2021. - © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Béatrice Hatala.]
Picasso Pablo, "Minotaure aveugle devant la mer, conduit par une petite fille", (1881-1973). [© Succession Picasso 2021. - © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Béatrice Hatala.]

Ce malentendu colle à la peau de l’artiste. Picasso a beau se profiler au sommet de l’avant-garde, être l’un des précurseurs du cubisme et obtenir des succès internationaux, les périodes de crise le plongent systématiquement dans la crainte d’une expulsion. Cette crainte se reflète dans ses œuvres, comme le dessin "Minotaure Aveugle guidé par une Petite Fille aux Fleurs". L’historienne explique le parallèle entre cette image et la vie de l’artiste: "Le Minotaure, un monstre mythique puissant et aveugle, guidé par une petite fille avec des fleurs, c’est ça, Picasso: le mélange d’une extrême puissance et d’une extrême précarité."

La nationalité française refusée

Ce statut d’expatrié devient moteur artistique, mais fait aussi de Picasso l’archétype du danger, à la fois riche, célèbre, incontrôlable et incompris. En 1940, la naturalisation lui est refusée. "C’est quelque chose de brutal. L’agent de guichet a un pouvoir exorbitant. C’est une condition que vivent tous les étrangers aujourd'hui. Pourquoi un agent administratif a-t-il autant de pouvoir sur un être humain?"

Picasso ne cherchera plus à devenir français. Pourtant, il confiera de nombreuses œuvres aux musées de l’Hexagone. Un mythe est né: un étranger nommé Picasso.

Sujet TV: Alexandra Gubser et Anne Fournier

Adaptation web: ms

"Picasso l'étranger", Musée de l'histoire de l'immigration, Paris, à voir jusqu'au 13 février 2022, sur réservation.

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