37 paires d'yeux dévisagent et transpercent les visiteurs et visiteuses de la Collection de l'Art Brut à Lausanne. Des yeux qui n'appartiennent qu'à un seul homme, Karl Beaudelere, un artiste qui paradoxalement ne dévoile ni son visage, caché par un masque, ni son âge.
"Je porte ce masque comme une entité, à la manière du gant de Michael Jackson. Il est mort et quelqu'un qui posséderait ce gant se sentirait comme habité par lui. En faisant ce masque, je souhaite être habité par l'entité de Charles Baudelaire", explique Karl Beaudelere, interrogé par la RTS.
Le poète maudit le fascine depuis ses 12 ans, âge auquel il découvre un recueil des "Fleurs du mal". "C'était un livre de poche sur lequel il y avait son image. C'est cela qui m'a touché, je ne sais pas pourquoi."
Le stylo à bille comme seul outil
Pour Sarah Lombardi, directrice de la Collection de l'Art Brut, Karl Beaudelere "a un parcours de vie compliqué. Avec des failles, pertes d'enfants, divorce, précarité… Il s'est fait connaître dans la rue, en faisant d'abord des graffitis au pochoir représentant Charles Baudelaire."
Grâce au stylo à bille, seul matériel qu'il pouvait alors s'offrir, les dessins de l'artiste prennent forme grâce à une accumulation de traits et de couleurs et deviennent hallucinants, physiques. Il reproduit d'abord des photos, puis il ressent le besoin d'avoir quelqu'un en face de lui pour le dessiner. "Comme je ne pouvais pas avoir de modèle, je me suis regardé dans un miroir", explique l'artiste.
L'art pour ne pas sombrer
Lorsqu'il termine son premier autoportrait, Karl Beaudelere est bouleversé par le résultat. "Je me disais, 'ce n'est pas possible, je n'ai pas fait cela'. J'en ai pleuré à chaudes larmes. C'était comme une thérapie qui m'a permis de changer à l'intérieur. Aujourd'hui, je vais mieux qu'avant."
Sujet TV: Julie Evard
Adaptation web: ms
"Karl Beaudelere, autoportraits au miroir", Collection de l'Art Brut à Lausanne, jusqu'au 30 octobre 2022.