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Nora Rupp: "Ce que j'ai vécu au Mormont m'a reconnectée avec qui je suis"

Le travail photographique de Nora Rupp sur la ZAD du Mormont est exposé dans le cadre de l'exposition "L'impossible sauvage" du Musée d'ethnographie de Neuchâtel. [Musée d’ethnographie de Neuchâtel - Prune Simont-Vermot]
L'invitée: Nora Rupp, "ZADiste, qui es-tu?" / Vertigo / 25 min. / le 13 juin 2022
Durant les 165 jours de lʹoccupation du Mormont à Eclépens (VD), la photographe lausannoise Nora Rupp sʹest immergée dans la première ZAD de Suisse et a documenté la vie communautaire de lʹintérieur. Une partie de ses images est à découvrir au Musée d'ethnographie de Neuchâtel.

Nora Rupp s'est fait connaître avec sa série d'autoportraits intitulée "Un corps à soi", dans laquelle elle s'est mise en scène et photographiée pendant plus de vingt ans dans la peau de différentes femmes, de la femme de ménage à la mère de famille, en passant par la personne âgée ou encore l'adolescente.

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Elle présente aujourd'hui de nouvelles images à découvrir au Musée d'ethnographie de Neuchâtel. Son corpus "Cabane des possibles" documente son immersion au coeur de la zone à défendre du Mormont, la ZAD, promise à une déforestation pour de la production de béton. Ce travail s'est mis en place progressivement: envoyée par un journal zurichois pour photographier dès les débuts le mouvement qui s'organise sur la colline du Mormont, Nora Rupp et son appareil photo se font fraîchement accueillir.

Vibrer sur la colline

"Photographier des personnes qui sont installées illégalement, c'est compliqué. La répression judiciaire et policière est réelle et les personnes sont en danger si leur image est dévoilée", explique-t-elle à la RTS. Qu'à cela ne tienne: Nora Rupp fixe sur sa pellicule des personnes masquées. Et sent pointer en elle l'envie de revenir sur place. "Il y avait quelque chose de pulsionnel dans mon envie d'y retourner".

La photographe se rend au Mormont un jour par semaine, puis deux, puis trois, dès octobre 2020 jusqu'à l'évacuation de la ZAD en mars 2021. "Je me suis attachée à la colline, aux gens et à la lutte. Cela s'est fait petit à petit et cela m'a pris quatre mois pour être intégrée avec mon appareil photo".

Au fur et à mesure de son immersion sur place, Nora Rupp sent les choses changer. "J'ai compris à force d'y retourner ce que la lutte représentait. La plupart des zadistes ont été transformés par cette colline, par ces six mois de construction de vie commune, de recherche des liens. (...) A la fin, j'avais de la peine à partir. Ma vie reprenait du sens grâce à ce que je vivais là-bas et les liens que je tissais avec les gens sur place", indique la photographe.

Une passeuse de mondes

Qualifiée de "passeuse de mondes" entre les zadistes et l'artiste qu'elle est, la Lausannoise se définit aujourd'hui comme militante. "Je suis arrivée sur la colline en quête de sens. Ce que j'y ai vécu m'a reconnectée avec qui je suis."

L'exposition "L'impossible sauvage" du Musée ethnographique de Neuchâtel présente dans sa dernière partie la reconstitution d'une mini ZAD avec des barricades. Le projet "Cabane des possibles" de Nora Rupp s'inscrit dans ce cadre et permet à l'artiste de poursuivre la lutte et ses questionnements.

Propos recueillis par Pierre Philippe Cadert

Adaptation web: Melissa Härtel

Exposition "L'impossible sauvage", Musée ethnographique de Neuchâtel, jusqu'au 26 février 2023.

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