Les polaroïds de Pascal Greco brouillent les frontières entre jeu vidéo et réalité
Prendre des photos d’un monde qui n’existe pas est possible depuis plus de vingt ans, grâce aux captures d’écran prises lors de parties de jeux vidéo. Aussi appelées 'In-Game Photography', ces photos virtuelles sont désormais élevées au rang d’art et exposées en galerie.
C’est le cas pour le photographe et réalisateur Pascal Greco, qui a inauguré le 17 juin dernier son exposition "In-Game Photography", au côté de son collègue Petri Levälahti. Avant cela, en octobre 2021, le Genevois avait autopublié un livre de photos, "Places", dont les 300 exemplaires ont déjà tous été vendus et qui nourrit aujourd'hui l'exposition genevoise à Plan-les-Ouates.
C'est la pandémie qui se trouve à l'origine des deux démarches artistiques. En 2020, le photographe souhaite se rendre en Islande pour poursuivre son travail d’exploration des bâtiments et de véhicules abandonnés dans le pays. Le confinement l’empêche cependant de poursuivre son projet. Joueur occasionnel de jeux vidéo, il achète une console PlayStation 4 et une Nintendo Switch. "J’ai tapé sur internet ‘Top 10 jeux vidéo’ pour me renseigner sur les dernières sorties", se souvient Pascal Greco, interrogé par la RTS.
Un hasard miraculeux
Un jeu en particulier retient son attention, à cause de ses paysages de nature. "Je l’achète, le lance et, dès la première animation, j’ai l’impression que le jeu se situe en Islande. J’apprends ensuite qu’il s’agit des Etats-Unis, après un cataclysme." Pourtant, fort de ses voyages passés - et réels - dans le pays nordique, Pascal Greco est convaincu que ces paysages appartiennent à l’Islande.
Six mois après la sortie du jeu, un mode ‘appareil photo’ est rajouté, à la demande des fans. "Je l’essaie, et je vois qu’on peut modifier le contraste, faire apparaître ou non le personnage, prendre des polaroïds - avec lesquels je réalise la plupart de mon travail - et ainsi de suite. Je suis en Islande malgré tout, certes dans mon salon, mais je peux prendre des photos!" Fort de ces coïncidences, le projet "Places" est né. Un travail laborieux, car Pascal Greco souhaite prendre ses photos comme il le ferait dans la vie réelle, tout en devant jouer et protéger son personnage d’attaques ennemies. "Il faut lutter contre la manette et ce que le jeu a programmé pour obtenir une photo correcte."
Des graphismes plus vrais que nature
En observant les photos virtuelles de Pascal Greco, difficile de se rendre compte qu’il s’agit de paysages imaginaires. Les graphismes des jeux vidéo, repoussant sans cesse les limites du virtuel, contribuent à brouiller ces pistes. Seuls des détails, comme l’eau, trahissent le décor.
Ce projet questionne le vrai est le faux, le métavers de Mark Zuckerberg et les mondes virtuels amenés par les jeux vidéo depuis 20 ans.
Retoucher les images est très difficile, à cause de leur résolution trop basse. Le photographe travaille alors comme s’il prenait des polaroïds, en utilisant du papier mat pour enlever l’aspect synthétique des images.
Quant au livre, il ne révèle qu’à la fin la source des photos, grâce à un entretien entre l'artiste et Marco de Mutiis, l’un des pionniers de la photographie virtuelle.
Propos recueillis par Pierre Philippe Cadert
Adaptation web: Myriam Semaani
Pascal Greco et Petri Levälahti, "In-Game Photography", à voir jusqu'au 17 juillet 2022 en plein air à l’espace Vélodrome, Plan-les-Ouates (GE).
Pascal Greco, "Places", éd. Chambre Noire.