Accueillant trois musées (Mudac, Elysée, Musée cantonal des beaux-arts), le pôle muséal Plateforme 10 a été inauguré à Lausanne le 18 juin dernier. Une infrastructure gigantesque qui, selon les mots de son directeur Patrick Gyger, hisse la ville vaudoise au rang "de capitale culturelle romande".
"C’est une formule choc, mais qui reflète en partie une réalité. C’est vrai que Lausanne s’est dotée d’un formidable outil avec Plateforme 10", commente Frédéric Elsig, professeur d’art et de muséologie à l’Université de Genève, dans le 19h30.
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Avec une enveloppe de 200 millions d’investissements, Plateforme 10 veut réinventer la consommation culturelle et transformer le quartier de la gare en un quartier des arts. Une transition qui s’effectuera aussi par la création d’ateliers d’artistes et lieux de création à proximité du bâtiment.
Lausanne versus Genève
En matière d’offre muséale, une bataille se livre depuis un certain temps entre Genève et Lausanne. "Au début du 19e siècle, c’est plutôt Genève qui a l’avantage, avec la musée Rath qui ouvre en 1826 et qui sert de modèle au musée Arlaud en 1841", ajoute Frédéric Elsig. Puis Lausanne reprend l’avantage en ouvrant le Palais de Rumine en 1902, suivi de près par le Musée d’art et d’histoire (MAH) à Genève en 1910.
La création de Plateforme 10 met en exergue les résistances rencontrées à Genève. En 2016, le projet de rénovation et d’agrandissement du Musée d’art et d’histoire avait été balayé par la population.
Pour Sami Kanaan, conseiller administratif à la ville de Genève, la création de ce nouveau pôle muséal rime plus avec complémentarité qu’avec compétition entre cantons. "Nous vivons dans de petites villes et la Suisse romande fait figure de mégalopole. Platefome 10 est une belle réussite et j’encourage vivement les Genevois à s’y rendre, souligne le magistrat. Mais j’estime que l’offre muséale et culturelle à Genève est aussi très dynamique, notamment avec la construction de la nouvelle Comédie, pôle des arts de la scène et du théâtre."
Saine concurrence
Pourtant, les fonds alloués au Musée d’art et d’histoire sont plus importants que ceux de Plateforme 10. Selon le rapport du budget de la ville de Genève, 36 millions de francs ont été attribués au MAH en 2021. Le canton de Vaud a quant à lui distribué 17,1 millions à Plateforme 10 pour la même période.
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Concernant la rénovation du MAH, un projet pour l’horizon 2030 a été soumis en mai au Conseil municipal. "Lausanne a aussi connu des échecs, notamment en 2008 avec le refus du musée des beaux-arts à Bellerive. Le MAH est un grand navire, le processus forcément lent", estime Sami Kanaan. Le directeur Marc-Olivier Wahler casse déjà les codes en décloisonnant cette institution. "Il y a aussi une différence de taille: à Lausanne, le canton de Vaud s’implique davantage, alors qu’à Genève la ville porte seule l’opéra, les musées et le théâtre", poursuit le magistrat genevois.
Pour le conseiller d’Etat vaudois Pascal Broulis, cette concurrence reste saine: "De temps en temps, on se dépasse, mais comme on s’observe, qu’on se rattrape et qu’on se redépasse, ça reste bénéfique. Nous faisons tous partie de cette métropole lémanique."
Sujet TV: Gilles de Diesbach
Adaptation web: Sarah Jelassi