Art spolié durant la période nazie ou ramené en Europe sous l'ère coloniale, certaines pièces des collections posent problème. Depuis plusieurs semaines, la question de la provenance des oeuvres est discutée en Suisse alémanique.
En 2021, le Kunstmuseum de Berne a définitivement accueilli dans ses collections plus de 1600 œuvres, peintures, estampes et antiquités d'une collection constituée par le marchand d'art Hildebrand Gurlitt, un homme qui a fait commerce durant le régime nazi. Le musée a déjà restitué plusieurs œuvres et poursuit un travail de recherche sur la provenance de la collection. Il dévoile désormais les résultats de huit années de recherche. Dans l'entrée du musée, une installation montre toutes les oeuvres du legs Gurlitt.
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Le cas Gurlitt est exceptionnel autant par la taille de la collection que par sa provenance, mais aussi parce que le Kunstmuseum a fait un travail pionnier autour du parcours des oeuvres. Pour certaines oeuvres exposées, la provenance est encore lacunaire, le musée l'indique aux visiteurs à l'aide d'une pastille de couleur. "En termes de transparence, il est nécessaire d'informer sur ce que nous savons même si nous ne pouvons pas encore donner le résultat de nos recherches", explique à la RTS Nikola Doll, commissaire d'exposition et responsable du département Recherche de provenance au Kunstmuseum de Berne. Les oeuvres restituées sont quant à elles représentées dans l'exposition par un panneau jaune de la taille de l'objet.
La restitution en geste de réconciliation
Le canton de Bâle-Ville a aussi pris le problème en main. Les musées de la ville ont examiné l'histoire de leurs collections avec à la clé plusieurs décisions dont celles de rendre des restes humains aborigènes.
"Le conseil d'Etat bâlois a décidé que douze crânes et un échantillon de cheveux d'aborigènes devaient être renvoyés dans leur pays d'origine. Cette décision a été prise après une demande du gouvernement australien. Le musée d'histoire naturelle a examiné l'ensemble de sa collection et a constaté qu'il avait en sa possession des restes humains provenant d'Australie. Il a tout de suite décidé de les rapatrier comme geste de réconciliation envers la population aborigène en Australie", explique Katrin Grögel, responsable du département de la culture à Bâle-Ville. Cela permet aussi à la population de se confronter à l'histoire de sa région, qui est liée aux objets que l'on trouve dans les musées, selon Katrin Grögel.
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Le manque d'une vue d'ensemble
Chaque institution est censée faire son "introspection". Une polémique a récemment éclaté autour des recherches effectuées par le Kunsthaus de Zürich et la fondation Bührle sur la collection Emil Bührle accusés de ne pas avoir fait le travail jusqu'au bout. Que ce soit à Genève, à La Chaux-de-Fonds, Delémont, Fribourg ou Lausanne, les musées romands affirment s'être penchés sur leurs objets, avec parfois des restitutions à la clé.
Mais ce qu'il manque encore en Suisse, c'est une vue d'ensemble. Le parlement vient d'adopter une motion demandant la création d'une commission indépendante experte sur cette question.
Sujet radio: Camille Degott
Adaptation web: ld
"Gurlitt. Un bilan", exposition à voir au Kunstmuseum, Berne, jusqu'au 15 janvier 2023.